septembre 1996, paru dans la revue Alliage
Pourquoi et comment
la Cité des Sciences et de l'Industrie
se préoccupe-t-elle de la vie professionnelle ?
Préambule
Il
n'est pas aujourd'hui de profession qui ne soit bouleversée par l'évolution
technique et scientifique. Les révolutions technologiques s'accèlèrent et
depuis plusieurs décennies, nous voyons bien qu'il n'est plus d'actualité de
séparer des métiers "technologiques" de ceux qui ne le seraient pas :
dans les administrations, les secteurs des communications, du commerce, de la
santé, des loisirs et de la culture, la technologie et le progrès scientifique
sont au coeur de la vie professionnelle de chacun. Une révolution touchant
l'organisation et la conception même du travail est en marche qui concerne tous
nos concitoyens.
Ces
bouleversements prennent place dans un contexte où la situation économique
génère pour chacun des inquiétudes : crainte de stagnation, d'inadaptation aux
transformations d'outils et de process, voire de déqualification pour soi même,
angoisse pour l'avenir et l'insertion professionnelle de ses enfants ...
Les
pouvoirs publics et les acteurs du développement économique, les services de
l'emploi et de la formation tentent de faire face à cette situation. La
formation permanente est devenue une nécessité indiscutable ; la mobilité et
l'anticipation sont devenues des leitmotiv des professionnels des ressources
humaines.
Par sa
nature technologique et par ses enjeux économiques, ce contexte concerne
également les politiques de développement culturel.
Aider
nos concitoyens à mieux identifier les transformations du travail, des
professions pour leur donner les moyens d'être plus acteurs de leur vie, de
préparer avec leurs enfants des projets professionnels crédibles, voilà sans
doute des enjeux cruciaux du développement d'une culture scientifique,
technique et industrielle pour le plus grand nombre.
C'est
pourquoi, la Cité des Sciences et de l'Industrie (CSI) s'est impliquée, en
étroit partenariat avec les services compétents, dans une politique d'information
et de services dans le champ de l'anticipation professionnelle et l'évolution
du travail et des métiers.
Cette
politique complète les autres offres de la CSI plus traditionnellement fondées
sur la curiosité des publics et sur la réponse aux besoins d'outils
d'illustration de l'éducation initiale.
Cette
ouverture a en outre une autre grande vertu. S'intéresser à la vie
professionnelle et au travail permet à la CSI d'être identifiée comme un lieu
répondant aux préoccupations réelles de tout un chacun. Nous pouvons ainsi
toucher des publics qui n'ont pas l'habitude de fréquenter des lieux culturels
pour leur en faire comprendre l'intérêt. Refuser cette ouverture signifierait
se limiter aux publics qui sont déjà initiés, c'est à dire favoriser l'exclusion
culturelle plutôt que la réduire.
UNE
OUVERTURE MURISSEMENT PROGRESSIF
En
mars 1984, deux ans avant l'ouverture de la Cité des Sciences et de
l'Industrie, est créé, suite à une étude[1]
commanditée par l'Etablissement Public du Parc de La Villette à l'Agence pour
le Développement de l'Education Permanente, un "centre de formation"
dont l'objectif est de développer à La Villette la fonction éducative et
formative dans toutes ses dimensions.
Dans
un premier temps (de 1984 à 1987), ce centre donne naissance au "Service
Education" (classes Villette et formations enseignants) et au
"Passage des métiers", zone d'information et de services sur l'emploi
et l'orientation au sein de la Maison de l'Industrie, fondé sur un partenariat
avec l'ANPE et le CIO Interjeunes. Enfin, en 1988, une troisième branche se
transformera en "Cellule publics professionnels". Cette équipe,
chargée de développer les usages de la Cité des Sciences et de l'Industrie
(CSI) par les stagiaires ou les salariés en formation, mettra en place des
colloques et des actions expérimentales conventionnées par la Délégation à la
Formation Professionnelle[2] du
Ministère du Travail ainsi que des cycles de formation comme l'année spéciale
animation scientifique de l'IUT de Tours qui fonctionne encore aujourd'hui[3].
Ce
centre de formation a également piloté des actions dans le cadre de la
"Mission nouvelles qualifications" et des formations financées par le
Fonds National de l'Emploi, qui se nourrissaient du gisement d'emploi et de
qualifications innovantes (agent d'exploitation d'exposition, architecte
d'exposition, médiateur scientifique) que représentait le site de La Villette.
Ces actions ont formé un certain nombre de professionnels qui travaillent
encore aujourd'hui à la CSI. Elles ont également positionné la CSI et
l'Etablissement Public du Parc de La Villette (en particulier la structure ad
hoc mise en place pour ce faire, l'Association de Prévention du Site de La
Villette) comme acteur dans les dispositifs d'insertion[4].
En
parallèle, le lien qu'offrait le centre de formation avec le monde de la vie
professionnelle amenait à poser la question de la présentation du travail, de
l'activité économique et des professions dans les expositions. Des
présentations de métiers sont mises en place dans les expositions, comme
"Planète alimentaire", "La mode, une industrie de pointe",
"C'est beau la mécanique".
Globalement,
cette première période de la CSI voit l'affirmation de son rôle d'information
sur les métiers et la vie professionnelle. Elle met également en évidence
l'intérêt de l'ouverture de la CSI sur le monde de la formation professionnelle
et de l'insertion[5].
Sur le
site, cela signifie que le concept classique de musée-ressources, couplant
expositions et médiathèque, s'enrichit d'un nouveau partenariat opérationnel
avec des acteurs sociaux, prenant place dans une double logique d'éducation
permanente et d'ouverture de l'école au monde culturel et économique. Ce
rapprochement de logiques des sciences et des métiers suggère un parallèle avec
la genèse du CNAM, conservatoire-musée mais aussi et surtout outil public de
promotion sociale et économique.
Les
deux idées suivantes commencent à s'affirmer, qui vont marquer le développement
de la CSI dans les années ultérieures :
- Les
enjeux socio-économiques et les liens entre les évolutions technologiques et
professionnelles sont tels que nul ne peut vouloir développer la culture
scientifique, technique et industrielle sans parler des outils et process de
travail, des savoir-faire, donc des hommes et des métiers. La nécessité d'un
réflexe d'anticipation professionnelle pour chaque citoyen constitue sans aucun
doute une des premières finalités d'un développement culturel scientifique,
technique et industriel.
- La
préoccupation de son avenir professionnel ou de celui de ses enfants devient de
plus en plus présente et s'exprime par des besoins très concrets d'information
et de services. Développer ce type de fonction conduira à la CSI des publics
complémentaires de ceux qui viennent pour l'offre de loisir ou de culture et
qui pourront ainsi ouvrir leurs centres d'intérêts. Ce sont d'ailleurs ces
publics qui devraient constituer la cible prioritaire d'établissements comme la
CSI car ce sont ceux qui sont les plus en déficit de culture, y compris
scientifique.
TROIS
GRANDS CHAMPS D'APPLICATION
Ces
deux idées retiennent l'attention du Ministère du Travail et les années qui
suivent sont marquées par leur application au travers de trois grands champs, à
savoir la muséographie, l'information-service et la formation professionnelle.
Dans
le champ muséographique, se développent des expositions spécialisées se fondant
sur la démonstration de l'exercice des métiers devant le public et dont certaines sont en re-figuration
(Naissance d'un bateau ; Les métiers du son ; Les métiers de l'hôpital ; Des
métiers pour la ville).
Dans
le champ information et service, cette période est marquée, en mars 1993, par
l'ouverture de la "cité des métiers", espace multipartenarial, ouvert
sur la médiathèque, né d'une maturation du concept du "Passage des
métiers". Cet espace, destiné à aider le public individuel à choisir son
orientation, trouver un emploi, trouver une formation ou changer sa vie
professionnelle, a accueilli, depuis son ouverture, un million d'usagers.
Avec
4000 documents, 40 écrans et surtout une quarantaine de conseillers venant de
12 institutions partenaires, il s'agit d'un lieu intégré de conseils et de
services qui permet aux usagers d'alterner entretiens conseils et recherches
documentaires. Ce lieu fonctionne à la fois comme vitrine des institutions,
aiguillage des usagers et service consommateur où l'on vient anonymement et
volontairement. Une de ses particularités est d'être un lieu où travaillent
ensemble, en contact direct avec plus d'un millier d'usagers par jour, des
institutions[6] qui
ont rarement l'occasion d'être réunies face au même public et dont les cultures
professionnelles sont souvent différentes.
De
plus, la cité des métiers produit des "évènements" réguliers
(journées de recrutement, ateliers, séminaires, rencontres auteurs-lecteurs),
centrés sur la connaissance et l'évolution des métiers et quelques émissions de
télévision. Ces dernières tentent de transposer, dans un autre cadre, le
rapport particulier qui s'instaure entre usagers et conseillers à la cité des
métiers (15 quotidiennes en direct sur TéléEmploi de 10 minutes, 20 séquences
de 4 minutes dans Emploi du Temps sur France 3, deux numéros d'un magazine de
52 minutes en Région, intitulé "cités des métiers" sur la 5ème, en
cours de redéfinition pour 1997).
Dans
le champ de la Formation Professionnelle enfin, cette période est caractérisée par
la montée en puissance de produits de formation spécifiques[7]. En
parallèle avec un premier programme, destiné aux stagiaires individuels des
Ateliers de Pédagogie Personnalisée (APP), se développe le programme des
Segments d'Initiation aux Nouvelles Technologies (Segments INT) qui adapte au
monde de la formation professionnelle le concept des classes Villette ; son
objectif principal est de sensibiliser les stagiaires aux impacts des nouvelles
technologies dans leur futur environnement professionnel. La réalisation de ce
programme s'appuie sur un mode de gestion externe et un financement direct des
pouvoirs publics.
De
quelques segments par an en 1992, une montée en charge raisonnée permet
d'atteindre 40 segments INT en 1996, ouvrant ainsi les ressources de la CSI aux
dispositifs de qualification, de pré-qualification ou de mobilisation des
jeunes de 16 à 25 ans (Crédit Formation Individualisé) et des Stages
d'Insertion et de Formation à l'Emploi (public demandeurs d'emploi adultes) du
Ministère du Travail. L'offre initiée à l'origine sur Paris, commence à
s'ouvrir aux organismes de formation d'Ile de France.
TROIS
USAGES DE LA CITE DES METIERS[8]
A la
fois multi-partenaires, multi-services et multi-publics, la cité des métiers
est un croisement de nombreuses personnes, nombreuses cultures et même de
nombreux objectifs. Ces "multitudes" font l'originalité et l'intérêt
de la cité des métiers. Elles en font aussi un système complexe. Mais sans
doute cette complexité est-elle la rançon de son efficacité.
Une
étude conduite de la mi-juillet à novembre 1995 par l'association IRIS sur le
rôle de la cité des métiers évalué par les usagers[9] a
permis d'identifier trois "niveaux d'entrée" à la cité des métiers.
Si les intentions des usagers sont multiples, à l'image de la diversité de
l'offre, recherche d'emploi, de stage, d'orientation, d'informations, de façon
transversale à ces motifs, il y a ceux qui viennent utiliser un outil ou un
service, ceux qui viennent chercher une réponse à une question, ceux qui
viennent pour résoudre un problème.
-
L'entrée "outil de service".
Ces
usagers viennent pour la première fois à la cité des métiers dans le but précis
d'utiliser le Minitel, le Kompass, la documentation, taper leur curriculum
vitae, autrement dit pour exploiter une ressource précise - outil ou service -
qu'ils savent pouvoir trouver sur place. Quelle que soit la finalité de leur
démarche (recherche d'emploi, de stage, d'orientation, d'information...), ils
viennent trouver un outil technique.
-
L'entrée "question"
Ces
usagers "entrent" à la cité des métiers pour trouver une réponse à
une question qu'ils savent exprimer : un emploi dans un secteur donné, une
entreprise pour un contrat de qualification, des informations ou un conseil sur
un sujet précis... sans relier leur démarche à un outil particulier. Ils
arrivent avec une question formulée qui circonscrit le champ de leur recherche
et la forme de la réponse. Ils viennent d'abord la plupart du temps une
première fois pour explorer les ressources existantes, repérer l'outil, le
service, le conseil susceptibles de leur être utiles, puis ils reviennent pour
s'en servir. Ils sont capables d'exprimer une commande. Cependant, cette
commande doit être validée dans la mesure où, parfois, derrière la question se
cache un problème qu'il est nécessaire de déceler.
-
L'entrée "problème"
Il
s'agit là d'usagers qui ne savent pas ce qu'ils cherchent ou, parfois, ne
savent plus quelle question poser tant ils sont décalés par rapport aux règles
du jeu ou tant ils ont tourné sans trouver d'issue. Ils n'ont pas de commande,
pas de question, mais un problème qui peut se résumer de la façon suivante :
voilà ma situation, qu'est-ce que vous en pensez, qu'est-ce que je peux faire?
Il y a là un problème à traiter qui nécessite une analyse de situation, une
relation interactive entre l'offre (conseillers le plus souvent) et la
personne. Comme les précédents, ces usagers font souvent une première visite de
repérage.
Les limites de la cité des métiers
La
cité des métiers a bien sûr des limites. Trois ans d'exploitation et un million
d'usagers nous ont permis de venir à bout de certaines. Toutefois, nous
continuons à nous heurter à cinq d'entre elles, plus essentielles. L'avenir
nous dira si les solutions que nous envisageons nous permettront de les
dépasser.
- La
cité des métiers ne pourra jamais accueillir tout le monde
La
cité des métiers accueille en moyenne 1200 personnes par jour pour 600 m¨,
drainant un large bassin parisien. Aussi grande que soit-elle, la cité des métiers
sera toujours saturée, car des usagers viendront de plus en plus loin. La
solution n'est donc pas d'augmenter le nombre de mètres carrés, mais
d'essaimer, d'agir pour la création d'équipements de type cité des métiers
ailleurs, en région.
- La
cité des métiers ne peut s'utiliser qu'individuellement
Pour
l'instant, les groupes - jeunes en stage de pré-orientation, réinsertion - ne
peuvent guère utiliser "collectivement" l'espace, conçu pour un usage
individuel et autonome. Il leur est donc demandé de se scinder en sous-groupes
de cinq personnes maximum et, pour les moins autonomes, de s'inscrire
individuellement à la prestation "clés d'accès" aux ressources
documentaires.
Nous
nous proposons donc de développer une zone qui se "visitera"
collectivement et allons multiplier les manifestations collectives sur le
recrutement, les initiatives de création d'emploi, l'évolution des professions
et du travail. Ce même espace assurera une fonction de vitrine des activités
"métiers et vie professionnelle" de la CSI, en valorisant, en
particulier, le cercle de recherche d'emploi de la cité des métiers et les
segments INT. L'actualité du travail y sera également présentée d'une manière
directement utilisable par la public.
Nous
allons aussi former, en amont, avec le CIDJ et d'autres partenaires, les
formateurs pour qu'ils sachent se doter de leur propre centre de ressources et
mieux utiliser l'offre existante. Cela favorisera ainsi l'utilisation
pertinente de tous les lieux, de la bibliothèque municipale à la cité des
métiers.
- la
cité des métiers ne peut proposer plus que ce que l'on trouve sur le marché
Comment
dépasser la simple fourniture d'offres d'emploi "comme partout" ? Il
y a peu de réponses satisfaisantes, si ce n'est, peut-être, de développer le secteur
"créer son activité" et d'améliorer l'information sur les dispositifs
d'accompagnement des projets.
Cette
fonction est en effet essentielle pour développer un service plus ouvert dans
le domaine de l'accès à l'emploi que l'utilisation actuelle des offres
existantes. On propose aux usagers une gamme de services pour leur permettre de
se lancer autrement dans la vie professionnelle (passer de l'idée au projet,
l'expertiser, trouver des partenaires). Ceci est actuellement conduit avec un
fort renforcement du lien avec la médiathèque, en particulier son secteur
Travail et Industrie et sa médiathèque des entreprises.
- la
cité des métiers ne peut permettre de rencontrer toutes les professions tous
les jours
La
demande de rencontres directes avec les professionnels pour faciliter la
découverte des métiers de manière sensible est très forte ; il est bien entendu
identifié qu'il y a un chaînon manquant entre les fiches métiers, les
audiovisuels métiers, et la véritable
vie professionnelle.
Cela
pourrait se faire en multipliant le nombre d'événements et en proposant de nouveaux usages d'Explora,
l'exposition permanente de la cité des Sciences. Il s'agit là non seulement de
proposer des parcours et des animations, mais aussi de développer la
présentation des métiers et du travail au sein même des expositions. En réalité
il s'agit alors d'atteindre un second objectif : aider le public à mieux
identifier les liens entre développement scientifique et technologique,
procédés de fabrication et exigence de qualification.
Avec
le même type de finalité, la diversification de l'offre aux publics de la
formation professionnelle constitue également une priorité de la CSI, en
particulier par le développement de produits autonomes pour les groupes et de
dispositifs d'accueils des individuels.
REPONDRE
AUX SOLLICITATIONS EXTERNES
L'intérêt
de ce lien entre un lieu de culture scientifique, technique et industrielle et
la réalité socio-économique n'échappe pas à de nombreux acteurs ; cette période
voit donc se développer une importante sollicitation externe. Nombreuses sont
les collectivités qui prennent la mesure de l'originalité de la cité des
métiers et nous interrogent sur sa transférabilité et son implantation
territoriale.
Sur le
terrain, un double courant s'amorce. D'une part, des élus locaux, des
homologues de nos partenaires du Service public de l'emploi et de la formation
et des professionnels des ressources humaines se posent la question de
s'approprier cette alchimie originale de la cité des métiers dans la cité des
Sciences et de l'Industrie, à la fois appréciée par les usagers et riche de
potentiels pour les institutions et les équipes.
D'autre
part, des professionnels de la culture scientifique et technique, tant en
France qu'au-delà des frontières, identifient là ce qui pourrait donner un
second souffle à leur action, dans un contexte socio-économique où la question
de l'efficacité sociale de l'action culturelle est incontournable.
Dans
certaines capitales régionales, nous nous retrouvons doublement sollicités, en
position de dénominateur commun, par des acteurs de la sphère sociale et de la
sphère culturelle. Des équipes-projets locales se constituent en particulier
dans le département du Gard (Nîmes) qui s'inspirent de l'expérience parisienne.
Signalons d'ailleurs que fin mars 1996, a fonctionné dans la Cité de l'Europe,
à Coquelles (62), une préfiguration de l'espace métiers du littoral, premier
espace inspiré en région de la cité des métiers.
Dans
ce cadre, le rôle de la cité des métiers se limite à un rôle de conseil à
l'assemblage : le développement de plates-formes multi-partenariales ne doit
pas se faire dans le sens d'une standardisation, mais doit, au contraire,
s'appuyer sur les caractéristiques spécifiques de chaque site. C'est bien entendu
en fonction des besoins, des ressources et des accords locaux que chaque
équipement doit se construire.
L'identification
d'une bonne maîtrise d'ouvrage déléguée est essentielle. En ce qui concerne
l'émergence de projets nouveaux, nous identifions mieux maintenant les
conditions nécessaires à leur réussite : ils doivent être portés par une
collectivité territoriale, impliquée comme maître d'ouvrage, s'appuyant sur un
groupe de pilotage inter-institutionnel ; ils doivent également pouvoir
bénéficier d'une prise en compte dans le contrat de plan Etat-région.
Une
cité des métiers à la territorialité précise ?
Plus
essentiellement, les idées avancent sur les modifications à apporter au concept
pour mettre en place une cité des métiers ancrée administrativement dans un
territoire défini et ses logiques socio-économiques : il est bien clair qu'un
lien organique entre la structure et un territoire en modifiera notablement
l'organisation et la responsabilité, et ce à double titre au moins.
En
effet, si la cité des métiers de la CSI utilise positivement l'ambiguïté de son
aire géographique et administrative comme un instrument de gestion, la
responsabilité territoriale, elle, impose une intégration plus opérationnelle
dans les réseaux ; elle impose aussi un rapport différent aux usagers, qui
peuvent se trouver à raisonner plus comme des ressortissants que comme de
simples usagers ; il en ira certainement de même avec les entreprises et autres
acteurs économiques.
D'autre
part, dans une structure à lien territorial, surtout si celui-ci a une
dimension rurale, les prestations ne peuvent être limitées à un site. Cette
territorialité implique également qu'une cité des métiers en région envisage
ses actions sur un large périmètre, sans doute au moins celui d'un département.
Ceci nécessite des démultiplications de services, jouant la proximité avec les
communes environnantes, qui doivent être pensées en amont du projet.
Quel
réseau, quelle structuration ?
Cet
essaimage de la cité des métiers pose la question de la place de la CSI dans le
réseau des lieux qu'elle inspire. Les gammes de produits dérivés sont déjà
identifiées, en particulier télévision classique, téléconférences et réseau
télématique ; elles nous permettront de constituer des pôles de compétences, de
services et d'évènements en réel et en ligne communiquant physiquement et
électroniquement. Signalons par exemple dans cet esprit l'opération nationale
de soutien à la création d'activité mise en place avec de nombreux acteurs du
développement économique local et le magazine Rebondir intitulée "Les
compagnons de l'initiative".
Il y a
donc fort à parier que les années qui viennent verront le positionnement de la
CSI et des autres centres culturels scientifiques et techniques comme lieux de
médiation des évolutions du travail et de la vie professionnelle. Ils pourront
être appelés à assurer le lien entre les observatoires de l'emploi, les médias
et le grand public.
Ce
développement et cette prise en charge d'un des enjeux essentiels de la culture
technique devront se conduire en réseau. Celui-ci hybridera les acteurs
culturels et ceux de l'orientation, de l'insertion et de l'évolution
professionnelle.
Un des
éléments de ce réseau sera celui constitué par les lieux inspirés de la cité
des métiers. La forme de ce sous-réseau, l'organisation de son système de
production et la nature de ses lignes de communication commencent à se dessiner
et sont en cours de formalisation par une charte et un label. Son pilotage
pourrait être assuré par un groupement d'intérêt des partenaires de la cité des
métiers qui se sont réunis autour de sa fonction sociale et qui en souhaitent
le développement sur tout le territoire national, voire européen.
Vivement
d'autres passages à l'acte !
En
parallèle avec la vocation ludique, touristique culturelle et éducative de
l'établissement, la période 1990-1995 a vu naître à la CSI une vocation
complémentaire, de nature socio-économique, témoignant d'une évolution des
préoccupations des citoyens et des élus. Elle consiste à aider chacun à se
projeter dans l'avenir, en particulier en terme d'activités et de travail. La
CSI s'est trouvée doublement légitimée pour y répondre ; d'une part, parce que
la demande sociale et les enjeux connexes sont incontournables, d'autre part parce
que cette question de l'anticipation professionnelle est, par essence,
indissolublement liée à celle du progrès scientifique, technique et industriel.
Il
n'est d'ailleurs plus mis en cause que le développement de l'offre culturelle
scientifique, technique et industrielle vise en particulier une meilleure
insertion et un meilleur pilotage de carrière par le plus large public. Du
point de départ particulier que constitue la CSI, avec les partenaires
concernés directement par ces objectifs, nous avons identifié des axes
d'actions et avons commencé à les mettre en oeuvre. Il en résulte ces actions
qui hybrident une logique culturelle et une logique utilitaire et qui nous
apparaissent aujourd'hui à la fois très riches d'enseignement et très
perfectibles. Au vu des enjeux, notre espoir est que ce type d'actions ou
d'équipement se développent rapidement dans d'autres lieux et contextes, afin
que nous puissons comparer expériences et résultats et progresser ensemble.
[1] : se former à La Villette,
Elisabeth Caillet, Coll. Les études n°4, EPPV, Paris, 1984
[2] : en particulier dans le cadre
du programme Formations Ouvertes et Ressources Educatives ; voir par
exemple A propos de multualisation et de transfert liés aux formations
ouvertes, Olivier Las Vergnas, Etudes et Expérimentation en Formation
Continue, Paris, n°16.
[3] : le médiateur scientifique,
technique et industriel, E. Caillet, O. Las Vergnas, C. Prokhoroff,
Bulletin des Bibliothèque de France, 1987 ; voir aussi la communication
scientifique a-t-elle ses spécificités, O. Las Vergnas, Humanisme et
Entreprise, 1992
[4] : voir à ce sujet les plaquettes
sur les actions Nouvelles Qualifications, Jeunes et Technologies, ADEP
édition, Paris
[5] : culture scientifique,
technique et industrielle médiation et formation, Numéro spécial Education
Permanente n°82, Paris, 1986
[6] : la cité des métiers est
co-animée par des équipes de l'AFPA, l'ANPE, de la Boutique de Gestion de
Paris, du CESI, du réseau des CIBC, du CIO-Médiacom, du CNED et des
DAFCO/GRETA, avec la collaboration de l'ANCE, du Centre Inffo, de la CCIP et la
collaboration du Ministère du Travail.
[7] : Comment utiliser la cité
des sciences et de l'industrie, O. Las Vergnas, revue POUR, Paris 1992
[8] : Les deux paragraphes qui
suivent sont extraits de la vie d'une chimère, trois ans de cité des métiers
à La Villette, O. Las Vergnas, C. Prokhoroff, M. Avrain, bulletin
d'information de l'ABF, Paris, 1996
[9] : le rôle de la cité des
métiers évalué par les usagers, S. Thievan, association IRIS, document
interne, cité des sciences et de l'industrie, 1995