La Cité des sciences veut aider le public à décrypter l'information médicale
(article du quotidien du médecin, 30 avril 2002)

Implantée au sein de la médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, la Cité de la santé est un espace de dialogue et d'information, en accès libre et gratuit. L'originalité du lieu tient en ce qu'il propose des points d'accueil individualisés et anonymes. Mais les conseillers en santé ne veulent pas concurrencer les médecins : la Cité de la santé n'est pas un lieu de consultation mais un lieu d'écoute et d'orientation.


Des entretiens, pas des consultations(photo DR)

« On ne veut pas faire de la Cité de la santé un lieu de consultation ni un lieu de soins, affirme Olivier Las Vergnas, le responsable de cette nouvelle offre de service de la médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette. On aimerait simplement rendre les gens plus éveillés par rapport à l'information médicale et leur permettre de mieux bénéficier du système de soins. »

Avec la Cité de la santé, Olivier Las Vergnas ne se jette pas dans une aventure. Il a tout d'abord l'expérience réussie de la Cité des métiers, qui, depuis sept ans, accueille un public toujours plus nombreux en quête d'une nouvelle formation, d'un nouveau métier. Il peut également s'appuyer sur les quelque 20 000 ouvrages et revues sur la médecine et la santé de la médiathèque, consultables en libre service. « Ce sont en fait les médiathécaires qui nous ont avertis de la demande du public : les gens cherchaient souvent des réponses plus personnelles, commente Olivier Las Vergnas. Depuis le mois de décembre, nous testons la Cité de la santé sur le public habituel de la médiathèque, et nous nous sommes rendus compte de la pertinence de ce lieu. La Cité de la santé correspond à un besoin : je ne vois pas comment les gens vont faire, par exemple, pour décoder leur dossier médical. »
L'espace de la Cité de la santé, qui doit être aménagé dans les prochains mois de façon « plus chaleureuse », est bien organisé. Outre la partie consacrée aux ouvrages, un espace de navigation multimédia, une sorte de « cyber-café santé », est accessible librement afin de permettre au public (des jeunes gens essentiellement) de consulter une sélection de sites Internet, de cédéroms et de films. Les consoles Internet sont disposées selon quatre grands thèmes : « Entretenir sa santé, prévenir », « S'informer sur un problème de santé », « Vivre avec une maladie, un handicap, accompagner un proche », et « S'informer sur ses droits ». C'est en fonction de ces mêmes thèmes que sont présentés les quatre points d'accueil des « conseillers en santé », selon le terme générique utilisé. L'équipe de conseillers en santé est formée soit de professionnels, soit de membres d'associations partenaires*. Seul le box « S'informer sur un problème de santé » est animé par des médecins, retraités et bénévoles. « Pour ces questions, la compétence médicale s'est révélée nécessaire, note Olivier Las Vergnas. Il était impossible pour l'usager d'avoir un interlocuteur qui ne connaît pas la maladie dont il parle. »

Un rôle de conseil

Retraité depuis peu, le Dr Emile Debeux est un des médecins du pôle « S'informer sur un problème de santé ». En tant que président de l'association « Espace, prévention, santé », qui gère un centre de conseil et d'accueil prévention-santé dans le centre commercial de Créteil-Soleil (Val-de-Marne), le Dr Debeux a déjà l'habitude de ce genre de consultations. « Attention, précise-t-il, il ne s'agit pas de consultations mais d'entretiens. Les gens font d'ailleurs bien la différence », assure-t-il. Les questions posées sont très diverses. Il s'agit d'approfondir une connaissance, de s'informer sur un traitement ou un pronostic, de comprendre l'explication que lui a fournit son médecin, de chercher un avis médical, de se renseigner sur un examen médical que l'on doit subir. « J'ai un rôle de conseil, explique le Dr Debeux. Je remarque que mes confrères n'ont parfois pas le temps d'expliquer certaines choses aux patients. Il ne s'agit pas de les juger. Mon but est simplement de renseigner le public, de rassurer ». Le Dr Debeux fait le lien entre ses interlocuteurs et le corps médical. « Un jour, une personne m'a demandé des conseils pour arrêter de fumer, raconte le Dr Debeux. Je lui ai conseillé d'en parler à son médecin. Elle était très étonnée, et m'a répondu qu'elle n'aurait jamais pensé à parler de ce sujet avec son médecin traitant. »

Un relais

Mais plus que pour soi-même, les usagers de la Cité de la santé viennent pour leur entourage. « Nous avons beaucoup de questions concernant la maladie d'un membre de la famille, relève Cécile Cavallini, du Comité français d'éducation pour la santé, qui travaille dans le box "Entretenir sa santé, prévenir". Les proches se sentent souvent mis à l'écart. » Selon elle, le corps médical ne tient pas suffisamment compte de la souffrance ressentie par les proches du malade. « On se sent vraiment utile, confirme-t-elle. Les gens demandent beaucoup à être écoutés et rassurés. Quelquefois, on s'aperçoit d'ailleurs que la question du début n'a rien à voir avec la problématique. On a l'impression d'être un relais et que des chaînons manquent à l'extérieur. » Mais il faut rester prudent : certains visiteurs cherchent à faire du conseiller en santé un confident. Grâce à deux débriefings par semaine, les conseillers remettent les choses à plat en fonction de leur charte déontologique.
Après ces premiers mois de rodage, la Cité de la santé semble avoir gagné son pari auprès des visiteurs, enthousiastes pour la plupart.
Reste un problème important : celui du financement durable des quatre box. Faute de personnel, le box « S'informer sur ses droits » ne fonctionne qu'en pointillé alors que les autres box sont ouverts du mardi au dimanche. « Quand nous avons créé la Cité des métiers, rappelle Olivier Las Vergnas, nous n'avons eu aucun problème pour trouver des partenaires qui puissent co-produire le projet. En revanche, pour la Cité de la santé, les choses ne sont pas si faciles. Personne n'a d'argent », indique-t-il. Il espère toutefois que les Caisses régionales et primaires d'assurance maladie, la Ville de Paris et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris pourront prendre part au financement. Financier, le problème montre aussi qu'en France, la santé reste avant tout institutionnelle et thérapeutique.

Stéphanie HASENDAHL

* Aides Ile-de-France, le Centre régional d'information et de prévention du SIDA, le Comité français d'éducation pour la santé, le Conseil national de l'Ordre des médecins, le Comité de Paris de la Ligue contre le cancer, le Comité régional d'éducation pour la santé d'Ile-de-France, les établissements publics de santé Esquirol, Maison Blanche et Perray-Vaucluse, la Fédération nationale d'aides aux insuffisants rénaux, la Fédération nationale de patients et ex-patients en psychiatrie, SIDA-info service, l'Union nationale des parents et amis de personnes handicapées, l'Union nationale des associations familiales.