Regards cliniques sur la e-formation en 2003

Le défi des pionniers : passer de la maturité technique à l’appropriation collective.

O. Las Vergnas, Délégué à l’insertion, la formation et la vie professionnelle,
Cité des Sciences et de l’Industrie,  mars 2003

 

 


Résumé :

Vue d'un lieu observant les demandes individuelles comme une cité des métiers, la e-formation paraît aujourd'hui arrivée à un stade certain de maturité technique, mais semble rester encore en France une affaire de pionniers, même si initiatives, intentions et appels à projet se sont largement multipliés. Les prévisions sur la vitesse de développement de la e-formation se révèlent d'ailleurs souvent  surestimées. Pourtant, l'informatique individuelle et Internet se démocratisent indéniablement ; pourtant les bonnes pratiques en formations ouvertes et à distance sont maintenant connues et circulent ; pourtant des clefs d'évolution des métiers de la formation sont identifiées ; pourtant de multiples outils de qualité sont distribués. Tout semble en place pour une appropriation collective…. Mais elle  tarde...

Selon nous, cette situation serait plus due à la faiblesse des moteurs économiques et sociaux qu’à des freins techniques ou pédagogiques. Le développement de la e-formation est aujourd’hui lié à celui de “ la formation tout au long de la vie ” elle-même. Si l’intérêt de veiller à tout âge sur son porte-feuille de compétence n’est pas évident, la demande sociale restera insuffisante pour rendre solvables et crédibles des investissements lourds nécessaires en matière de e-formation.  Ainsi, le développement de la e-formation serait largement tributaire d’un travail socio-culturel auprès de tous, d'autant que, au-delà de la question du co-investissement, l’implication individuelle dans un processus de formation et plus encore de e-formation met en jeu des représentations culturelles clefs, comme celle du temps dit libre, de l'éducation permanente et du rapport entre information, savoir, culture et compétences.

 

 


Regards cliniques sur la e-formation en 2003. 1

Le défi des pionniers : passer de la maturité technique à l’appropriation collective. 1

Maturité technique mais balbutiements sociaux.. 3

La démultiplication est au centre de tous les discours, mais les pratiques sont encore essentiellement pionnières. 4

De multiples disparités obscurcissent l’état des lieux.. 4

Des campus aux objectifs disproportionnés. 5

Des entreprises où e-formation et knowledge management ne convergent pas encore. 6

Des autodidactes face à des ressources éparpillés. 6

Trouver des leviers pour généraliser en dépassant les appels à projets. 7

Desserrer des freins n’affranchit pas de toute inertie. 8

Que sont les freins d’antan devenus ?. 8

Une fracture numérique qui s’est réduite et déplacée. 9

Une plus grande accessibilité de l’informatique en général 9

De quelques privilégiés à quelques exclus. 9

Le “  blended learning ” s’est confirmé comme réponse à la solitude des e-apprenants. 10

D’où vient l’inertie observée aujourd’hui ?. 10

Des inquiétudes subsistent liées aux évolutions futures du secteur professionnel 10

Ces inquiétudes ne suffisent pas à expliquer l’inertie actuelle. 12

Une affaire de moteurs plus qu’une affaire de freins.. 12

De nouvelles échelles de retour sur investissement.. 13

un moteur économique indissociable du moteur social. 13

Socialement consensuel certes, mais aussi socialement velléitaire. 14

Les discours encensent la formation tout au long de la vie…... 14

… mais le co-investissement ne peut-il qu’un acte de foi ?. 15

L’éducation permanente en panne d’ascenseur social. 16

La “ validation des acquis ” comme moyen d’ascension.. 17

La formation tout au long de la vie, une révolution culturelle à expliciter.. 17

Internet au secours de l’image de l’éducation permanente ?. 18

La e-formation au sens d’un “ travail apprenant ”. 18

De la nécessité d’un travail socio-culturel  pour soutenir le développement de la e-formation   19

Encadré : la cité des métiers.. 20

 


 


Maturité technique mais balbutiements sociaux

Une abondante littérature professionnelle indique que la production des systèmes de e-formation[1] ou des dispositifs de “ formations ouvertes et à distance ” pour reprendre la terminologie traditionnelle poursuit son industrialisation progressive[2]. La construction de l’offre de plates-formes[3] de formation et l’émergence des campus numériques y est suivie régulièrement. L’évolution des métiers et compétences qui en résulte fait l’objet de publications de synthèse[4], tandis que des groupes de travail s’intéressent à en normer la qualité[5]. Ainsi, est décrite l’émergence de systèmes destinés à des communautés significatives d’apprenants, assortis d’instruments de pilotage et d’évaluation ; de nombreux appels d’offres paraissent dans le but de densifier cette offre de systèmes formatifs et son accès pour les plus larges publics[6].

Pour autant, dans le quotidien de la Cité des métiers de la Villette (voir encadré), lieu d’information et de conseil à la vie professionnelle recevant chaque jour un millier d’usagers en recherche d’information et d’outils d’insertion ou d’évolution professionnelle, les demandes faisant implicitement ou explicitement référence au domaine de la e-formation restent encore marginales[7]. En fait, hormis les questions ou réponses concernant les offres du CNED qui elles suivent une progression lente, force est de constater que le e-learning ou les “ formations ouvertes et à distance ” ne sont évoqués que de manière occasionnelle[8] dans les entretiens avec les usagers, y compris sur le pôle “ trouver une formation ”.

On observe donc un écart entre discours et représentations des professionnels d’une part et demandes des publics en la matière[9] d’autre part. Ce constat conduit s’interroger sur l’état des évolutions techniques, sociales et culturelles concernant ce champ ainsi que sur les décalages que l’on peut observer entre maturation technique, maturation sociale et maturation culturelle de la e-formation.

La démultiplication est au centre de tous les discours, mais les pratiques sont encore essentiellement pionnières

Essayons d’abord de faire un point technique et économique de la situation en France. Le marché professionnel, - mélangeant éditeurs pédagogiques ayant pignon sur rue et transfuges plus généralistes de la net-économie - poursuit son effort de présentation et d’affichage, sous forme de nombreux colloques et rendez-vous, sans forcément arriver à être très lisible pour le formateur profane[10] ; dans le même temps, le marché vers les usagers individuels semble encore balbutier[11].

Qu’on le veuille ou non, la e-formation semble apparaître encore, même pour des professionnels des ressources humaines ou de la formation, comme une affaire de pionniers. Certes, à ces volontés pionnières, font de plus en plus écho les discours des politiques dont certains, fustigeant la “ fracture numérique ”, sentent la nécessité de promouvoir et d’encourager des solutions générales, voire universelles. Malgré tout, il semble en être de la e-formation comme du e-commerce, il y a ceux qui s’y consacrent et y croient avec la foi du e-charbonnier et les autres qui n’ “ e-croient ” pas vraiment.

Il se révèle ainsi peu aisé d’en avoir une vision prospective, faute d’indicateurs clairs des vitesses de développement. Bien sûr, paraissent régulièrement des études qui constatent que l’industrialisation est en passe de pouvoir être qualifiée de réalité. Cependant, comme elles ont souvent partie liée avec des acteurs intéressés directement au développement économique des technologies éducatives, elles se veulent “ convaincantes ” et il est souvent difficile d’en déterminer la validité[12]. Tout au plus peut-on, quelques mois ou années plus tard, constater que bon nombre d’entre elles, qui s’affirmaient quantitatives et prospectives, se sont révélées trop optimistes.

De multiples disparités obscurcissent l’état des lieux

Vouloir donner un panorama général de l’état du développement en France paraît donc illusoire[13], d’autant que la nature “ pionnière ” de la situation crée des disparités extrêmes avec une faible vitesse de diffusion des bonnes pratiques. Sans doute, ce sont d’ailleurs ces disparités qui donnent ce sentiment d’incohérence et qui rendent la situation difficile à apprécier dans son ensemble : à l’intérieur d’un même champ de la formation, on observe des situations contrastées allant d’un engagement très militant jusqu’à une réserve prudente voire dubitative.

Pour illustrer ces incohérences, regardons l’état de développement de la e-formation selon trois angles particuliers : son insertion dans l’enseignement supérieur, ses rapports au knowledge management dans l’entreprise et enfin son influence sur l’autodidaxie.

Des campus aux objectifs disproportionnés

Dans le domaine de la formation universitaire[14], la systématisation de la mise en ligne des cours universitaires est bien à l’ordre du jour, tant dans les discours et que dans des appels à projets : elle se prépare à la fois en terme de campus numériques[15] et de cartables électroniques. Cependant, elle est loin d’être devenue réalité de masse (il y avait pour toute la France en 2001-2002, 5000 étudiants qui suivaient des formations dans des campus numériques[16]).

On observe simultanément des établissements et surtout des cursus pionniers[17] qui s’industrialisent en la matière, mais il n’existe à la date d’aujourd’hui aucune université qui demande à tous ses enseignants de mettre leurs cours ou exercices en ligne : ainsi, même la région des Pays de la Loire qui est en avance avec son Université Virtuelle des Pays de la Loire[18], n’en est pas encore là. Globalement, nous nous retrouvons donc comme en amont des créations des Presses Universitaires académiques ou des “ corpos ” étudiantes centralisant les polycopiés tout au long du dernier siècle.

La question cruciale du financement de l’équipement des étudiants (et même des enseignants) en ordinateurs individuels ou en cyber-terminaux dans des médiathèques ou autres cités U est loin d’être complètement résolue : il y aurait en 2002, en moyenne universitaire française, un ordinateur “ pédagogique ” pour 26 étudiants). On peut donc faire l’hypothèse qu’il ne pourra pas de sitôt être rendu obligatoire à chaque enseignant et étudiant d’utiliser des serveurs de cours.

Les formations scolaires, collégiennes ou lycéennes se trouvent également au centre de multiples enjeux[19] généraux, mais aussi beaucoup plus locaux. Les interactions entre parents d’élèves, enseignants et élèves eux-mêmes rendent chaque situation spécifique. De multiples études[20] montrent que ce sont des caractéristiques très locales  qui déterminent, au cas par cas, la place réelle des TIC dans les pratiques pédagogiques : appétences, représentations et formations de ces acteurs entraînant ou non des pratiques pédagogiques innovantes. Et la grande majorité des décideurs a bien compris qu’en la matière, il ne suffira donc pas seulement d’investir et de légiférer.

Des entreprises où e-formation et knowledge management ne convergent pas encore

Où en est l’économie du savoir et de la connaissance dans les entreprises ? Le knowledge management[21],  même s’il est vivement souhaité par tous les stratèges et autres conseils en développement, n’accompagne que marginalement un développement toujours relativement lent[22] des intranets de formation et autres systèmes internes ou externes de FOAD[23]. Il semble qu’au cas par cas, selon la sensibilité ou l’enthousiasme de tel ou tel dirigeant ou consultant, les entreprises investissent progressivement dans des intranets, des plates-formes de e-formation ou des systèmes d’archivage.

On aurait pourtant pu croire à la fusion de tous ces systèmes au profit d’une logique plus globale, s’approchant de l’idée des “ entreprises apprenantes ”. Mais en fait, selon les cas, ces stratégies sont nées de volontés d’archivage documentaire “ par principe ”, de modernisation d’un journal interne ou encore de distribution de savoir-faire en ligne. Aussi, plutôt que de permettre un “ management par les connaissances ”, ces politiques se révèlent n’être souvent que du “ management des connaissances ” elles-mêmes, sans grande plus value pour les personnels.

Le lien avec des stratégies de gestions prévisionnelles de compétences ne semble donc pas évident à leur responsables, souvent éloignés des logiques des Directions des Ressources Humaines, ce qui laisse perplexe quant aux possibilités de généraliser des outils intégrés de développement des compétences. Certes, quelques exemples de véritables intégrations[24] entre la e-formation et les intranets commencent à voir le jour, remettant d’ailleurs par la même en cause la notion même de plates-formes dédiées à la formation professionnelle en ligne et leur économie balbutiante. En effet, qui dit entreprise apprenante dotée d’un intranet gérant les connaissances dit système intégré de formation et non plate-forme informatique séparée pour la e-formation.

Des autodidactes face à des ressources éparpillés

Bien entendu, la e-formation devrait être la panacée de tout autodidacte et de nombreux chantres du “ branchez-vous ” l’ont annoncé maintes fois. Pourtant, en ce qui concerne les pratiques d’auto-formation “ individuellement autoprescrite ”, force est de constater que l’utopie d’un cyber réseau d’échange de savoirs n’a pas pour l’instant permis de dépasser le stade de quelques forums et listes de diffusions pointus, difficiles à identifier et à comprendre où chattent entre eux les fanatiques de telles ou telles pratiques (rippeurs de Dvd, programmeurs XML, pratiquants du tuning des Gti, passionnés d’accordéons diatoniques ou pour d’autres d’Oulipo[25]). On est loin d’avoir donné naissance à une réalisation de masse visible[26] en la matière, tandis que certains rêvent toujours à une forme  citoyenne “ d’université d’éducation populaire ” organisant de multiples liens facilement compréhensibles vers des thématiques partagées par le plus grand nombre[27]. Peut-être les mouvements historiques d’échange et de partage des savoirs se trouvent-ils confrontés à un paradoxe induit par deux représentations opposées sur l’ordinateur : il est outil idéal pour faire partager des savoirs, mais, simultanément, l’informatique n’est partagée que de manière très inégalitaire par les publics que ces mouvements jugent prioritaires[28]. En bref, les organisations d’éducation populaire ne semblent plus aujourd’hui en mesure de soutenir la concrétisation d’une telle Abbaye de Thélème virtuelle.

En parallèle, les rayons dédiés aux outils d’auto formation “ personnelle ” dans les librairies les plus achalandées ne proposent encore que quelques dizaines de titres répartis entre méthodes de langues, encyclopédies et visites virtuelles de musées, outils de soutien scolaire proches des devoirs de vacances et quelques didacticiels plus pointus (informatique bien sûr, code de la route, dactylographie, développement de mémoire et QCM divers)[29] . Figure de proue de ce marché balbutiant le soutien scolaire qui seul commence à devenir visible y compris dans les bacs de la grande distribution et même sous forme de guides à la révision via internet[30].

Pour terminer le tour d’horizon, on ne peut que constater que les sites d’auto-formation[31] et autres télévisions éducatives et éventuelles banques de programmes associées ont fait naître beaucoup d’espoirs non encore vraiment concrétisés pour le plus grand nombre[32].

Trouver des leviers pour généraliser en dépassant les appels à projets 

Ces trois champs illustrent des situations similaires au regard de la e-formation. De “ bonnes pratiques ” - jugées consensuellement comme telles - témoignent que son développement permet, au cas par cas, une reingénierie de la gestion des apprentissages et du management des compétences profitable à tous les acteurs. De plus, les conditions de réussite ont été souvent formalisées, rendant ces pratiques pionnières indéniablement transférables et témoignant le plus souvent d’un niveau certain de maturité technique. Les travaux qui commencent à se multiplier[33] sur la qualité des e-formations indiquent que l’on se préoccupe de plus en plus d’en évaluer et suivre la pertinence pédagogique. Ainsi, dans la plupart de ces cas, les décideurs se sont appropriés les discours sur les bienfaits de la e-formation ou de la société de la connaissance.

Pour autant, dès que l’on cherche à en exprimer un impact social macroscopique, on observe que l’application de ces bonnes pratiques reste quantitativement marginale : un regard national et quantitatif porté sur chacun de ces trois domaines indique que la e-formation en est encore plutôt au state du balbutiement qu’à celui de la généralisation.

Ceci n’a d’ailleurs rien d’étonnant, car les stratégies des pouvoirs publics et des collectivités s’appuient en fait beaucoup sur des discours assortis d’appels à projets d’incitation. Une telle logique d’appel au volontariat est particulièrement pertinente pour renforcer une situation de nature “ pionnière ” de la situation, mais ne permet pas de franchir le cap de l’institutionnalisation. Il est ainsi crucial que les pouvoirs publics dépassent ces logiques d’incitation à l’innovation pour structurer et généraliser [34].

Cet état embryonnaire du développement de masse n’est d’ailleurs pas spécifique à la e-formation : ce type d’écarts importants entre intentions des discours institutionnalisés des politiques et non généralisation des pratiques s’observe en France sur l’ensemble des champs liés à “ l’économie du savoir ”. Le récent rapport du Commissariat Général au Plan intitulé “ la France dans l’économie du savoir, pour une dynamique de la connaissance ”[35] en témoigne sans ambiguïté.


Desserrer des freins n’affranchit pas de toute inertie

Que sont les freins d’antan devenus ?

La question de savoir pourquoi les technologies éducatives ne sont toujours pas massivement mises en œuvre est  donc pleinement d’actualité, mais loin d’être nouvelle. Cette difficulté à la généralisation renvoie bien évidemment à la lenteur du développement, régulièrement décriée depuis au moins une décennie, époque où la e-formation venait à peine de cesser de s’appeler enseignement assisté par ordinateur (EAO) pour devenir “ formations ouvertes et à distance ”.

La première interrogation qui vient aujourd’hui à l’esprit est de savoir si les causes sont restées les mêmes depuis des années ou ont, au contraire, changé de nature? On citait alors comme premier frein la faible accessibilité des outils informatiques et cela à la fois en terme de coûts et faible distribution des équipements ainsi qu’en terme de pré-requis pour leur usage.

Une fracture numérique qui s’est réduite et déplacée

Une plus grande accessibilité de l’informatique en général

En la matière, une double amélioration est constatée : la dernière décennie a été marquée d’une part  par la démocratisation[36] de l’informatique professionnelle et familiale et d’autre part par l’amélioration de la facilité d’usage des outils pédagogiques et de leurs interfaces. Cet effet a d’ailleurs sans doute été renforcé par la standardisation des outils, codes et signes[37] : au fur et à mesure que les outils de l’informatique familiale et de la bureautique se diffusent largement, la familiarisation avec les outils informatiques et leur architecture s’accroissent quantitativement, et qualitativement. Ainsi, en ce qui concerne l’accessibilité de l’informatique au grand public, aussi bien en terme d’ergonomie que de levée des pré-requis, les progrès sont évidents[38].

De quelques privilégiés à quelques exclus

Cela, dit la “ fracture numérique ” n’est toujours pas qu’une formule de rhétorique. Sa définition et sa localisation sociale ont glissé, comme dans une tectonique des plaques de savoirs. Voici encore une décennie, on considérait que l’informatique etait réservée à la caste des informaticiens (aisément reconnaissables, comme des hyper-techniciens obsessionnels du clavier) ou à d’improbables hybrides (chimères à la double compétence entre un métier “ classique ” et l’informatique).

Aujourd’hui, l’informatique “ individuelle ” est –théoriquement- à la portée de tous et que l’on ne peut que s’en prendre à soi-même si l’on y est allergique, c’est à dire inadapté à son millénaire. Au regard bienveillant de la norme sociale, suspicieuse de l’obsession des uns, s’est substitué un coup d’œil culpabilisant, bientôt peut-être stigmatisant, pour ceux qui ne savent pas cueillir les fruits du progrès.

On sera ainsi passé, en une décennie, de quelques inclus à quelques exclus. Ce qui signifie que même si ces problèmes d’accessibilité de l’informatique ne peuvent plus être considérés comme le premier frein au développement de la e-formation. Cela dit, il y a fort à parier que même lorsqu’elle sera jugée comme définitivement intégrée socialement, cette e-formation  aura malheureusement encore ses exclus, exclus par principes, par allergie ou par “ exclusion sociale globale ” tout bonnement.

Le “  blended learning ” s’est confirmé comme réponse à la solitude des e-apprenants

A côté de cette première question de l’accessibilité de l’informatique, le deuxième frein important, concernait la pertinence de ces outils pour l’acquisition des savoir-être et des apprentissages comportementaux. Plus généralement, derrière cette interrogation, le déabt portait plus généralement sur la question de l’isolement, voire de la solitude de l’e-apprenant.

Qu’allaient devenir le travail de groupe, la co-éducation, l’entraînement de la situation de formation, la mixité et les échanges dans les formations inter-équipes ou inter-entreprises ? Autant d’interrogations qui s’imposaient à l’époque initiale de l’enseignement assisté par ordinateur (EAO) pur et dur, mais qui ont perdu progressivement l’essentiel de leur force de freinage au fur et à mesure qu’a été généralement accepté le constat que l’on ne pouvait pas sérieusement imaginer un dispositif de formation qui soit 100% à base de technologies de l’information, mais qu’au contraire il fallait considérer des formations “ ouvertes ”, voire du “ blended ” learning. Cette expression nouvelle, d’insipiration gustative[39]  désigne des “ formations mélangées ” ou plus exactement mélangeant un savant dosage de face à face pédagogique et de formation à distance. Elle veut insister sur la nécessité impérieuse de doser ces différentes modalités de formation afin d’offrir les outils d’échanges et de travail de groupe indispensable par essence à tout dispositif formatif non ponctuel.

Cela dit, là encore, tout n’est bien sûr pas complètement résolu par quelques regroupement d’apprenants, forums et autres télé-tutorats : et il reste vrai que l’abus d’un e-learning individuel et isolé risquerait de nous habituer à nous mouvoir dans un monde de communication surtout diachronique[40].

D’où vient l’inertie observée aujourd’hui ?

De fait, maturité technique, accessibilité et accoutumance à l’informatique associées à une conception “ ouverte ” des formations ont permis d’augmenter considérablement les champs d’application, les modalités et les clients potentiels de la e-formation. : la situation a largement évolué au regard de ces éléments qui constituaient, voici une décennie, des freins “ de principe ” au développement de la e-formation. C’est donc ailleurs qu’il faut chercher les causes de la persistance de l’inertie. Sans doute, derrière cette première levée d’obstacles technico-pédagogiques, s’est dévoilée une deuxième série de freins.

Des inquiétudes subsistent liées aux évolutions futures du secteur professionnel

A ce titre, la question de l’évolution des compétences des acteurs est, bien évidement, cruciale. Certes, celle-ci  a largement été clarifiée, en particulier pour ce que pourrait être le devenir des fonctions et métiers de la formation professionnelle continue. Analyses de fonctions, description des référentiels ont été élaborées, discutées, amendées dans de nombreuses situations justement pionnières[41], mais ces travaux ne portent pas encore (et pour cause) sur la restructuration globale du secteur de la formation professionnelle qui accompagnera sans doute la généralisation de la e-formation[42] : les travaux actuels sont plus focalisés sur la formalisation de référentiels et les stratégies de redécoupage dans des équipes pédagogiques spécifiques et pratiquant déjà la e-formation et moins sur l’accompagnement et les conduites de changement dans la modernisation globale de la branche. Cela dit, les intentions existaient déjà de préparer la restructuration de la branche dans le rapport “ réformer la formation professionnelle ”[43] demandé par Nicole Pery en 2002, mais concrètement seules des amorces de ce travail ont pu être effectuées[44].

Ces diverses publications convergent vers les mêmes hypothèses et inquiétudes : en dépassant le stade des situations et des terrains pionniers, la généralisation de la e-formation fera converger le secteur de la formation avec celui de la production multimédia. Les quelques 150 000 professionnels de la formation (en y incluant l’éducation initiale, on multiplie le chiffre par dix)  se trouveront alors pris dans un mouvement d’intégration et de mondialisation. L’économie de la connaissance et de sa diffusion en sortira peut-être complètement redessinée. Et comme dans le secteur de la production audiovisuelle et de l’édition actuellement, les questions des exceptions culturelles (apprendre en harmonie avec la culture nationale, régionale ou de son entreprise) et du respect de la concurrence et du code des marchés européens[45] obscurciront ses réorganisations.

La conduite de tels changements ne pourra se passer sans frictions, voire crises d’identités, car elle amènera à gérer les pertes de pouvoirs liés au changement du statut du savoir, la divergence des conventions collectives, accords et usages sociaux. Elle confrontera les acteurs aux risques de taylorisation de la production : le spectre d’un sous prolétariat d’animateurs de formation, maîtres auxiliaires répétiteurs peut toujours faire peur …. Sans oublier qu’en filigrane, les restructurations (qu’elles soient high-tech ou non) et les faillites de la net économie ont laissé des empreintes persistantes dans les représentations sociales.

Sans doute, la conscience de ces difficultés et la crainte de s’y voir projeter retardent-elles la généralisation de l’e-formation. La gestion du changement sera doublement complexe, à la fois en terme économique et en terme de redistribution de la possession de la valeur “ savoir ” et des privilèges et statuts qui y étaient associés[46]. Gérer des droits d’auteurs d’une part et des guides ou serveurs (employés comme téléacteurs dans des hypermarchés de la connaissance) d’autre part, est sans conteste un autre métier que de gérer un centre traditionnel de formation professionnelle avec ces groupes de stagiaires et ses salles. Il est d’ailleurs significatif de voir que de nouveaux acteurs, issus de la net-économie, ou de l’édition multi-médias s’y lancent avec moins de frilosité (ou résistent mieux) que certains organismes traditionnellement leaders de la formation professionnelle.

Ces inquiétudes ne suffisent pas à expliquer l’inertie actuelle

Cela dit, de telles inquiétudes, certes tout à fait justifiées, ne paraissent pas vraiment une explication plausible à l’inertie actuelle du développement de la e-formation. A l’évidence, nous ne sommes pas face à une profession qui résiste à une restructuration qui la menace. Quand on observe la situation, on ne voit pas vraiment des “ freins ” qui seraient bloqués. L’image qui vient à l’esprit est plutôt celle d’une forte inertie qui plomberait la démultiplication.


Une affaire de moteurs plus qu’une affaire de freins

Faute de trouver des “ freins ” bloqués, peut-être faut-il examiner cette question d’inertie autrement, en terme de motricité. On peut ainsi se demander, a contrario, quels devraient être les moteurs de cette généralisation. Notre analyse “ des freins ” pèchait en effet par excès de naïveté volontariste : il ne suffit pas en effet qu’un changement socio-économique soit possible et n’entraîne pas trop de résistance pour qu’il se réalise. Encore faut-il qu’il y ait des moteurs qui le propulsent. Et là, la question du développement massif de la e-formation prend une autre connotation : Les bénéfices en seront-ils si évidents et crédibles que cela ? Par qui sont-ils vraiment attendus et souhaités ? Quelle énergie pourrait être investie dans une telle généralisation et par qui ?

A priori, on pourrait penser que la réponse à cette question est évidente. Il y a deux types de moteurs logiques pouvant entraîner ce développement : un moteur social d’une part, et un moteur économique d’autre part. Le premier “ le moteur social ” est directement lié à la finalité sociale première de la formation. Ce moteur est mu des les acteurs qui investissent de l’énergie pour passer à une société de la “ connaissance ” plus épanouissante et harmonieuse socialement. Le second moteur, quant à lui, correspond au profit économique qui peut en résulter pour ses promoteurs, au sens de l’économie libérale.

De nouvelles échelles de retour sur investissement

Pour ce qui est du profit économique au sens classique du terme, la généralisation de la e-formation en France (disons plutôt en langue française, vu les obligations d’ouverture de l’Union Européenne en matière de marchés) impose de trouver des investisseurs capable d’agir avec une nouvelle échelle de rentabilité, de résoudre le problème de la gestion et de la création des infrastructures. Au vu des coûts et délais de rentabilisation, il est sûr que les candidats possibles ne seront pas légion.

Ces investisseurs pourrait-ils être des acteurs d’ores et déjà impliqués dans la e-formation ? Voilà qui paraît peu crédible, car pour ces organismes (ou plus exactement équipes) de pionniers, un changement d’échelle d’investissement ne correspond pas forcément à leurs priorités d’expérimentation et n’est en tout cas pas jouable sans de gros apports extérieurs.

La situation est analogue du point de vue des poids lourds actuels de la formation professionnelle “ classique ” qui de plus sont peu familiarisés avec les pratiques possibles : Difficile donc de conduire seuls un tel changement d’échelle pour les investisseurs classiques et difficile de trouver de nouveaux investisseurs, surtout après la volatilisation de la bulle de la net économie. Beaucoup s’accordent donc à penser que la rentabilisation économique ne peut se trouver qu’avec des alliances entre nouveaux entrants sur le marché et professionnels de la formation, sur des produits qui seraient explicitement “ mixte ” entre formation présentielle classique et formation en ligne[47]. Mais pour être capable de conclure de telles alliances, encore faudra-t-il trouver comment convaincre ces dits nouveaux entrants et en particulier en terme de solvabilité des futurs clients. Vu l’état actuel des marchés liés au e-learning, comment prouver qu’il y aura vraiment des gens pour payer ? et pour payer quoi ?

un moteur économique indissociable du moteur social

Voilà donc que la question du profit, c’est à dire du moteur économique, rejoint celle de la demande sociale : en effet, la e-formation ne peut pas être seulement un produit de grande consommation (comme Halloween, Loft Story ou Trivial Pursuit) dont des spécialistes du marketing pourrait faire naître le besoin -et donc le marché- à coup de campagnes publicitaires et de couvertures de tabloïd.

A priori, on pourrait penser qu’il suffirait que les spécialistes des ressources humaines, les employeurs, autres commanditaires ou assureurs sociaux y investissent pour solvabiliser le marché. Mais, dans la réalité, dès que l’on dépasse quelques heures de formation - surtout dans le cas de la e-formation où l’apprenant se retrouve souvent livré à lui-même – la motivation et la détermination de l’individu sont déterminantes et les commanditaires potentiels de la e-formation le savent bien[48] : il y a donc peu de chance de trouver des financeurs “ classiques ” (pouvoirs publics, branches professionnelles, organismes collecteurs) s’ils ne sont pas au préalable convaincus de l’adhésion des futurs bénéficiaires.

Ainsi, pour fonctionner comme gisement de profits importants, la e-formation a besoin de “ consommateurs ” militants : ceux-ci doivent en ressentir l’intérêt et la plus value pour eux-mêmes. Sa rentabilité économique est tributaire de l’investissement personnel que chacun peut y consacrer[49]. L’interrogation sur la crédibilité d’un “ moteur économique ” pour la e-formation croise donc celle sur la crédibilité de son “ moteur social ”.


Socialement consensuel certes,
mais aussi socialement velléitaire

 

Et c’est sans doute là où se joue aujourd’hui la question de la généralisation de la e-formation : y a-t-il vraiment un intérêt et une demande sociale (patente ou latente) pour son développement ? La e-formation n’étant qu’un moyen au service d’un objectif, son besoin ne peut bien évidemment être ressenti par le corps social que si le besoin de formation existe. Répondre à cette interrogation oblige ainsi à regarder au-delà du strict “ e-learning ” et à préciser l’état actuel de la demande sociale en matière de formation, de “ formation tout au long de la vie ” pour être plus précis, puisque telle est la formulation qui s’est imposée dans le langage de tous les décideurs en Europe.

Les discours encensent la formation tout au long de la vie…

Si l’on se fie aux discours, le concept de formation tout au long de la vie ”[50] fait quasiment l’unanimité[51]. Il est vrai qu’il répond à la fois à une ambition louable et à deux constats pragmatiques. L’ambition est celle de la promotion sociale, déjà au cœur de notre vieille “ éducation permanente ”. Cette aspiration, souvent attribuée à Condorcet[52], avait d’ailleurs été matérialisée une première fois dans la loi Delors sur la formation professionnelle de 1971. Les constats pragmatiques concernent quant à eux d’une part la nécessité de l’adaptation de tous aux avancées scientifiques et techniques -pour favoriser l’employabilité globale de nos concitoyens- et d’autre part la recherche par les entreprises de l'amélioration de leur productivité par la flexibilité.

… mais le co-investissement ne peut-il qu’un acte de foi ?

Cette “ formation tout au long de la vie ” a ainsi été formulée et décrétée de multiples fois. Elle est  d’ailleurs considérée comme prioritaire par la commission européenne[53]. Mais, pour autant, est-elle vraiment désirée par les individus eux-mêmes qui sont censés en être les bénéficiaires ? Sont-ils prêts à y co-investir du temps et de l’argent c’est à dire à entrer dans une logique d’“ auto-investissement formation ” tout au long de leur vie ?

Comme premier indice, il est révélateur de regarder si cette question est jugée ou non comme prioritaire dans le dialogue social ? Force est de constater que, au delà des discours consensuels sur le bienfait de l’actualisation permanente des savoirs[54], la négociation sur la formation professionnelle est restée bloqué –sur un point de droit- toute l’année 2002 sans que cela n’alarme vraiment personne. Si la formation tout au long de la vie était réellement jugée cruciale par les citoyens, la pression sociale sur la négociation se serait faite sentir. Il aurait été bien évidement urgent d’en clarifier les modes de financement : c'est-à-dire d’une part de préciser les engagements respectifs[55] d’une part et d’autre part  de faire évoluer les termes de la contractualisation[56] des actes formatifs.

Comme second élément, on peut essayer de regarder la demande actuelle portée par les individus eux-mêmes. Rappelons d’abord les principaux éléments du contexte : selon l’enquête[57] “ formation continue 2000 ” de l’Insee 71 % des personnes de moins de 65 ans sortis du système scolaire n’avaient participé à aucune formation durant l’année écoulée. (sur les 29% autres pourcents, seulement un tiers des formations dispensées étaient dues à l’initiative de l’individu lui-même, 21% d’entre elles entièrement sur le temps libre des personnes et 13% financées par le formé lui-même). Et comme s’il fallait encore des éléments pour prouver le faible intérêt de la majorité des français pour la formation professionnelle, sur les 71% de personnes n’ayant bénéficié d’aucune formation dans l’année, les trois quart déclarent qu’elle n’ont aucun besoin ou envie de formation non satisfait ! A partir de cette même enquête, la revue Sciences Humaines, dans son n° hors série[58] sur la formation relève aussi que sur 65% de personnes n’ayant reçu aucune formation sur les deux dernières années, plus de 37% disent ne pas en voir l’utilité. Certes 34 autres pourcents reconnaissent qu’ils auraient bien voulu, mais qu’on “ ne leur a rien proposé ”.

Dans des lieux d’information et de conseil comme les cités des métiers, les citoyens en demande volontaire (auto-prescrite pour être plus précis) de formation sont donc fort logiquement loin d’être la majorité. Ceux que nous rencontrons semblent surtout poussés, voire contraints par la nécessité. Il semble en fait que seuls  les actes formatifs à haute plus value sociale  (permis de conduire par exemple) ou personnelle (liées à des pratiques sportives, socio-éducatives ou amateurs) et quelques perfectionnements en langue étrangères sont auto prescrits bien que “ non remboursés ”. Quant aux personnes qui s’investissent lourdement en terme de formation HTO (hors temps de travail, pour reprendre l’expression consacrée), elles  ne semblent pas être légion : ce choix individuel de se former HTO apparaît surtout être l’apanage de quelques stakhanovistes, de personnes en situation d’inquiétude pour leur avenir en mouvement, en projet ou éventuellement en besoin direct de compétences dans leur vie quotidienne.

L’éducation permanente en panne d’ascenseur social

En réalité, il n’est pas évident qu’au-delà des bonnes intentions, les citoyens eux-mêmes y reconnaissent un enjeu essentiel pour leur avenir personnel, devant relever de leur propre décision. Peut-être un grand nombre d’entre eux jugent—ils même l’amélioration de leur “employabilité ” comme relevant des pouvoirs publics et non de leur propre responsabilité ni de leur co-investissement potentiel pour le financer. Certains[59] pensent aujourd’hui que la loi de 1971 instituant l’obligation de formation professionnelle a, a contrario, conduit à concevoir “ la formation professionnelle continue comme un dispositif industriel ou néo-industriel qui laisse peu de place à l’individu lui-même ”[60]. Si au moins la formation tout au long de la vie assurait une promotion sociale garantie… mais rien n’est moins sûr : l’éducation des adultes n’agit que très marginalement comme outil de rééquilibrage des inégalités sociales[61] et la priorité est peut-être plus à la mise en place de parcours individuels, privilégiant l’employabilité [62]. Et l’individu, par voie de conséquence, ne doit sans doute pas bien identifier pourquoi il sacrifierait une part de son budget privé pour co-investir - dans un ordinateur pour se former professionnellement ou dans du temps en plus de ses 35 heures, voire même dans des frais d’inscription à telle ou telle formation - pour acquérir des compétences sans doute peu monnayables[63].

La “ validation des acquis ” comme moyen d’ascension

Certains pensent d’ailleurs que l’élargissement de la validation des acquis permettra de faire avancer les représentations en la matière, ou tout au moins, constitue un préalable à la crédibilisation de la responsabilité individuelle pour  la formation tout au long de la vie. Ainsi, dans son récent ouvrage consacré au e-learning, Sandra Bellier[64] affirme que si “ le e-learning est un moyen puissant de faire évoluer les comportements individuels vis-à-vis de la formation. (…) les systèmes d’évaluation et de reconnaissance des acquis deviennent indissociables du e-learning. Si je me forme individuellement, je dois toujours avoir accès aux moyens d’évaluer et de faire reconnaître mes progrès. Et cette reconnaissance doit en outre être socialement utile…. ”. Mais cela suffira-t-il à la croissance de la demande sociale de formation tout au long de la vie ? La possibilité de faire reconnaître ou de faire valider ses acquis existe dans la loi française depuis 1985 et a été étendue en 1992, sans multiplier massivement la demande d’autoformation. Rien ne prouve alors que l’élargissement et l’affichage général de la possibilité d’obtenir une validation sous forme d’un diplôme ou d’un certificat de compétence professionnelle (prévue dans la loi de modernisation sociale qui généralise la validation des acquis) fera réellement changer de manière significative la proportion d’individus prêts à co-investir dans le développement de leurs compétences.


La formation tout au long de la vie, une révolution culturelle à expliciter

Vu d’un lieu comme une cité des métiers, cette question de la généralisation de l’auto formation tout au long de la vie apparaît être en particulier une question culturelle[65]. On peut ainsi faire l’hypothèse que pour que l’autoformation volontaire se développe vraiment, encore faudrait-il que la formation initiale ou les représentations individuelles donnent l’envie et les moyens d’une évolution professionnelle tout au long de la vie.

Or, il est facile de constater la carence en matière de lieux et de services ressources crédibles destinés aux individus. Comme pour la e-formation, l’information et le conseil ouverts à tout public adulte en la matière appartient à quelques pionniers : principalement ceux des réseau des MIFE ou des cités des métiers. Bien sûr de multiples autres lieux existent, mais dédiés à tel ou tel segment de public : on constate ainsi l’ambiguité de la plupart des réseaux publics, comme les CIO, ALE et autres centres AFPA ou même CARIF qui souvent souhaiteraient, mais en réalité n’ont finalement jamais mission principale d’informer ou de conseiller directement Monsieur ou Madame tout le monde : ils sont a contrario chargés par la commande publique de la prescription pour tel public cible ou de  la promotion de tel dispositif ou mesure et se retrouvent donc plutôt dans la logique d’entraîner, mais pas de déclencher l’envie.

Ainsi, faut-il se rendre à l’évidence, malgré les efforts des militants de l’éducation permanente et de la promotion sociale, la formation tout au long de la vie est encore une injonction prescrite, mais elle n’est pas principalement vécue comme à la disposition des individus pour leur permettre de diriger ou même d’infléchir par eux-mêmes leur avenir professionnel. Or, comme cela est signalé dans l’étude formation professionnelle Insee 2000[66] à propos des obstacles au départ en formation, “ l’existence de propositions et d’opportunités ou de droits jouent […] un rôle essentiel pour l’accès à la formation ”[67].

Internet au secours de l’image de l’éducation permanente ?

Pour en revenir à notre raisonnement sur les conditions de la généralisation de la e-formation, il est sans doute un peu simpliste de juger de la crédibilité de la demande sociale pour la e-formation en fonction seulement du faible enthousiasme actuel des citoyens pour la formation tout au long de la vie. L’informatique modifiant les pratiques d’information de tout un chacun, peut-être changera-t-elle aussi l’intérêt pour la formation ? Peut-être celle-ci sera sera-t-elle vue comme plus abordable et plus séduisante ? Si il demande moins de pré-requis, le co-investissement personnel sera peut-être moins lourd et perçu comme plus gratifiant. A contrario, la “ froideur ”, voire l’inhumanité de la e-formation ne décourageront-elles pas plus les apprenants potentiels ?

La e-formation au sens d’un “ travail apprenant ”

Mais, comme l’intégration progressive d’internet dans la vie quotidienne modifie radicalement le rapport de chacun à l’information et à la connaissance[68], il se peut aussi que la transformation majeure qu’internet apporte à la formation professionnelle soit de redessiner les frontières entre recherche d’information et formation, entre utilisation, mémorisation et modélisation. Peut-être dira-t-on dans quelques années (ou décennies) que la pratique généralisée d’Internet a induit une nouvelle proximité et critique aux savoirs et à permis de structurée une nouvelle approche de l’éducation informelle tout au long de la vie. Ainsi, au-delà de l’e-formation au sens classique du terme, c'est-à-dire vue comme en alternance avec des situations de travail “ productif ” et des situations de loisir, peut-être se développera t-il une e-formation intégrée correspondant à une nouvelle conception d’un “ travail apprenant ”[69].

Dans cette direction, beaucoup de pistes, non encore vraiment explorées se dessinent et peuvent considérablement accélérer la structuration de réseaux d’échanges de savoirs et de connaissances : ainsi, la construction d’infrastructures[70] ouvertes[71] de chargement et d’échange de contenus, de savoirs, voire de méthodes. Un défi essentiel serait d’arriver ainsi à interconnecter la e-formation institutionnalisée avec les multiples ressources moins coûteuses et plus “ informelles ” qu’Internet peut véhiculer et faire vivre en trouvant les moyens de les structurer et de les valider de manière fiable et consensuelle.

 

De la nécessité d’un travail socio-culturel  pour soutenir le développement de la e-formation

On aurait pu croire les enjeux de la e-formation assez évidents pour motiver la plupart des acteurs sociaux. Un univers de communautés connectées, pour lesquelles mise en réseau et partage des savoirs rendraient les individus mobiles, disponibles à eux-mêmes : fluidification des savoirs et appropriabilité des compétence apportant développement de l’employabilité, adaptation permanente et meilleures mobilité et productivité.

Avec la e-formation, on retrouve les principaux ingrédients des rêves pédagogiques forgés par les grandes utopistes...  Mais passer de cette utopie à une réelle généralisation ne se fera qu’avec une implication forte des citoyens eux-mêmes et des partenaires  sociaux dans la formation tout au long de la vie. La première urgence est la négociation de règles claires de co-investissement et de contractualisation individuelle. Mais même avec de telles règles, les citoyens ne s’investiront que si un moteur crédible, celui de la promotion sociale, les motive. Cette opportunité de promotion sociale, il faut donc l’expliquer et la communiquer.

Pour ce faire, un double levier culturel doit être actionné. Il s’agit de mettre clairement en évidence pour tous le rôle d’ascenseur social de la formation tout au long de la vie. Un tel travail doit aller de pair avec le développement de la culture  de l’orientation tout au long de la vie. Pour atteindre un tel objectif, il faut d’une part multiplier les dispositifs d’incitation comme la validation des acquis par exemple et d’autre part les dispositifs d’information et de conseil comme les cités des métiers.

Si la e-formation tarde a se généraliser c’est donc plus en raison d’un problème de moteur qu’en raison d’un problème de frein. Dans les années qui viennent nous verrons si les acteurs sociaux sauront apporter ensemble l’énergie nécessaire pour nous mettre collectivement en mouvement vers une société de la connaissance partagée. En tout cas, nous espérons ardemment qu’ils s’y attellent au plus vite et avec persévérance.

Encadré : la cité des métiers

La Cité des Sciences et de l’Industrie de La Villette, créée en 1986 à Paris s’est donné pour objectif de répondre directement aux questions d'insertion et d'orientation professionnelles, retrouvant ainsi une parenté avec le projet initial un peu oublié du Conservatoire national des arts et des métiers (CNAM), voici plus de 200 ans. Elle a affirmé cette volonté d’utilité sociale directe en ouvrant, en mars 1993, la Cité des métiers[72]. Cet espace d’information et de services accueille tous les publics, quel que soit leur âge, leur statut, leur niveau de qualification. La Cité des métiers répond à toute personne qui cherche une orientation, une formation, un emploi, à changer sa vie professionnelle ou à créer son activité. Chacun y peut bénéficier d'entretiens, sans rendez-vous, avec des conseillers ou accéder librement à la documentation[73], que complète un programme mensuel de conférences, rencontres, forums et ateliers.

Et après plus de neuf ans de fonctionnement et plus de deux millions et demi de personnes reçues (dont plus de 50 % de demandeurs d’emploi)[74], vérification est faite que cet espace touche un spectre de publics beaucoup plus large, socialement, que celui des expositions proposées par la Cité des sciences et de l’industrie (en majorité de 18 à 40 ans[75]). Reste bien sûr à permettre aux publics de la Cité des métiers de profiter de l’ensemble de l’offre culturelle de la CSI : des passerelles, telles l’Université ouverte de la société de l’information et des réseaux, font le lien entre les préoccupations individuelles et le développement STI[76].

 

• La cité des métiers, le lieu du métissage institutionnel au service de l’usager

La première des particularités de ce dispositif est son métissage institutionnel. La Cité des métiers est en effet animée par des professionnels de l'AFPA[77], de l'ANPE[78], de la Boutique de gestion de Paris, du CESI[79], du CIME[80], du CIO[81] média-com, du CLIP[82], du CNAM[83], du CNED[84], des DAFCO/GETA[85], du DAVA[86] de Paris et du réseau des CIBC[87], qui ont mutualisé leurs ressources et leur moyens pour répondre au besoin social d’amélioration de l’insertion et de l’évolution professionnelle des individus.

Ce centrage sur les besoins des usagers est la seconde particularité de la Cité des métiers. L'espace et la signalétique sont structurés pour suivre, autant que faire se peut, l’organisation des préoccupations des individus. Toute proposition (conseil, outil, événement) est conçue et présentée en liaison avec un objectif qu'elle permet d'atteindre. Ainsi, les conseillers des diverses institutions œuvrent-ils non sous les logos de leurs institutions respectives ou de mesures administratives, mais sous des enseignes indiquant une préoccupation : “ changer sa vie professionnelle ”, “ créer son activité ”…

A l’usage, on constate que cette plate-forme remplit trois fonctions nécessaires et complémentaires aux réseaux des services de l'emploi, de la formation et de l'orientation : elle est à la fois aiguillage et vitrine en amont ; en aval, elle est “ service consommateur ” et n'assure pas de suivi individuel. C'est l'usager qui reste intégralement propriétaire de ses démarches. La cité des métiers complète donc les lieux habituels des réseaux, comme les CIO, les ALE[88], les missions locales et autres centres de bilan sans faire double emploi. Elle se différencie en cela radicalement du traditionnel concept de “ guichet unique ”, qui réunit en un même lieu les services habituels des différents réseaux, dans une simple logique de regroupement géographique. Les institutions et les personnels qui la co-animent y développent d'ailleurs de nouvelles façons de travailler et de nouvelles compétences, qui transforment les métiers traditionnels des divers conseillers à la vie professionnelle[89].

Donner l'envie et les moyens de construire son avenir :
une responsabilité culturelle des institutions

Pourquoi de tels équipements, indispensables à une acculturation à la formation tout au long de la vie, ne sont-ils pas plus fréquents ? Pourquoi ne pas multiplier, en complément aux réseaux et systèmes curatifs — où l'on ne se rend souvent que sur prescription, à reculons –, des dispositifs de sensibilisation, d'information, voire d'élaboration de parcours professionnels ? Pourquoi les nouvelles médiathèques publiques qui ouvrent leurs portes dans les grandes métropoles ne comprendraient-elles pas, presque par construction, des espaces de service à la vie professionnelle et à la formation tout au long de la vie ?

Devant l’intérêt suscité par le concept de la Cité des métiers auprès de plusieurs partenaires territoriaux, la Cité des sciences et de l’industrie a formalisé les critères de la labellisation du concept dans une charte et un cahier des charges : dans ces documents, une cité des Métiers se définit comme un lieu multi-publics, multi-partenaires, multi-usages (permettant toutes les modalités de consultations et d'information) et multi-thèmes (tous les aspects de la vie professionnelle, tous les secteurs). Ils précisent également qu'elle doit être centrée sur les usagers et en accès libre et gratuit[90].



[1] l’expression e-formation (terminologie mixte que nous préférons à celle de e-learning en vogue actuellement, 100 % anglo-américaine) est utilisée dans ce texte comme synonyme de “ dispositif de formation ouverte et à distance” (FOAD) : on désigne là un “  dispositif de formation s’appuyant pour tout ou partie sur des apprentissages en autoformation, à distance et pouvant les faire alterner avec des séquences en face à face présentielles ”. Certains utilisent aussi blended learning. voire  blended formation dans le même sens.

[2] Voir par exemple “ internet : nouveaux horizons pour la formation, rapport de synthèse 2001 ”, coordonné par V. Hellouin, disponible sur le site du centre inffo http://www.centre-inffo.fr

[3] dispositifs informatiques servant à gérer des formations professionnelles en ligne. Voir une liste de plus de 200 plates-formes utilisés dans le monde francophone sur le site Thot : http://thot.cursus.edu/rubrique.asp?no=12074

[4] Voir pour la France le dossier “ acteurs de la formation et FOAD : compétences et profils ” numéro 180 d’AFP

[5] Voir par exemple l’étude “ la qualité en e-formation ” coordonnée par le Préau (disponible sur le site du préau : http://www.preau.ccip.fr) et le travail du réseau “ Training of trainers network ” (TTn) mis en place par le Cedefop et animé par F. Gérard.

[6] L’appel d’offre P@T piloté par la DGEFP en la personne de notre regretté ami A. Bendouba en est une illustration.

[7] Il ne s’agit pas de dire que nous regrettons cet état de fait, car il est toujours plus logique de répondre à une demande s’exprimant par un but que faisant répérence à un moyen. Nous le pointons ici comme un état de fait, symptôme d’une faible identification de la e-formation comme outil porteur de solutions pour les usagers.

[8] Les quelques cas où la e-formation est évoquée par les usagers concernent l’apprentissage d’une langues étrangère par e-learning et les formations spécifiques pour travailler dans le champ de la e-formation

[9] Bien sûr une part importante de ces écarts vient du fait que la e-formation peut n’être considérée que comme concernant les professionnels de l’éducation, la formation et des ressources humaines et non le public final.

[10] La multiplicité et la redondance du calendrier des salons, conférences et colloques ad hoc en témoignent.

[11] Une analyse sommaire des rayons spécialisés des magasins tout public, révélant la faiblesse de l’offre, étaye ce point de vue, tout comme celle des visiteurs généralement désemparés des étages spécialisés “ e-learning ” du “ salon de l’Education ”

[12] Ainsi l’étude Andersen Consulting de 2001 qui est encore abondamment citée, malgré son âge, à voir par exemple sur http://easy.elearning.free.fr/presentation_sr.html

[13] Algora publie, cependant, une très utile synthèse commentée des chiffres clefs de la formation professionnelle et de la e-formation sur son site à http://ressources.algora.org/reperes/economie/chiffres/fp2.asp

[14] Les chiffres cités dans ce paragraphe sont extraits du rapport pour le Ministre de l’Education Nationale “ les campus numériques, enjeux et perspectives pour la formation ouverte et à distance ” de M. Averous et G. Touzot disponible à http://www.educnet.education.fr/plan/brapports.htm

[15] Voir sur le site http://ww.formasup.education.fr, le résultat du troisième appel à projet campus numériques

[16] Le cursus construit en ligne par le CNED avec 6 universités pour préparer le DAUE  via le campus electronique Pégasus est limité en 2002-2003 à 240 places au total (cf http://www.campus-pegasus.org ) 

[17] cf la liste de Thot déjà citée plus haut

[18] Voir http://www.uvpl.org

[19] Voir par exemple sur http://www.txtnet.com/ote/pressions.htm le texte consacré aux “ Effets des pressions extérieures en faveur des TIC sur les établissements scolaires ” de Serge Pouts-Lajus (OTE, France)

[20]  Voir par exemple “ Technologies d’information et de communication pour l’enseignement, Le temps de la généralisation : L’exemple des écoles de Besançon et des collèges de la Vienne. Serge Pouts-Lajus, Décembre 2001 étude OCCAM, disponible sur http://www.educnet.education.fr/documentation/etudes.htm

[21] littéralement “ management de la connaissance ”, mode d’organisation et de gestion qui considère les savoirs comme les valeurs centrales de l’organisation

[22] Voir les chiffres donnés par Algora à http://ressources.algora.org/reperes/economie/chiffres/fp2.asp (op. cit.)

[23] A noter qu’en parallèle, les centres intra-entreprises de ressources d’autoformation semblent de moins en moins être envisagés comme des stratégies pertinentes de formation, sans doute à cause des investissements en ordinateurs individuels directement placés sur les postes de travail des salariés jugés capables d’en tirer profit.

[24] Comme exemple d’intégration portail d’entreprise et système de e-learning, voir par exemple http://www.formalliances.com, signalé par A. Ferro sur le site d’Algora. Voir aussi l’article de ce dernier dans Actualité de la Formation Professionnelle, n°181, novembre décembre 2002, « vers la fin des plates-formes et des normes d’interopérabilité »

[25] les premiers piratent des films, les deuxième écrivent des pages internet, les troisièmes bricolent leurs voitures, les quatrièmes font de la musique folkloriques et les cinquièmes de la littérature potentiels… et ils ont tous pages persos, listes et forums et changent ainsi savoirs et peut-être même partiques

[26] La consultation du site national du mouvement des réseaux d’échanges de savoir, par http://www.mirers.org permet de le constater de visu.

[27] des pratiques amateurs au bricolage ou jardinage en passant par la défense des droits, la prévention santé, le tourisme culturel…

[28] Sites et chats informatiques peuvent sans doute faciliter la réduction des inégalités d’accès aux savoirs, mais l’informatique ne peut que confirmer globalement les inégalités socio-économiques, à quelques implications militantes près.

[29] La Fnac par exemple (http://www.fnac.fr) ne considère, dans les rayons de sa boutique en ligne, les logiciels  “ formation ” que comme une sous-rubrique des logiciels “ art et culture ”. Quant aux outils à vocation scolaire, ils sont classés en “ ludo-éducatif ” Physiquement, l’évolution du grand magasin “ Fnac micro ” du quartier latin (oh combien formatif !) à Paris est significatif du même état d’esprit : il a été dédoublé car trop petit : deux magasins, de trois étages au lieu d’un : l’un uniquement dédié aux jeux vidéo et l’autre… à tout le reste à savoir ordinateurs, téléphones, logiciels, incluant le toujours petit stock “ formatif ” défini comme “ art, culture et ludo-éducatif.

[30] Voir “ Les 500 sites Internet : pour réviser le bac ”,  Répertoire qui signale les sites Internet susceptibles d'intéresser les élèves qui se préparent au baccalauréat. Les sites sont regroupés par thème et des commentaires figurent en regard de chaque site. AVRAND-MARGOT Sylvia ; MAGRET-CHELOT Anne. Les 500 sites Internet : pour réviser le bac. Paris : Belin (Guide Belin), 2002, 143 p. (signalé par http://www.educnet.education.fr )

[31] voir par exemple le panorama donné sur  http://ressources.algora.org/ressources/enligne/internet.asp

[32] même si il faut saluer la persévérance en la matière des opérateurs de la chaîne Demain ! de la TFS, de certaines webTV comme “ télésavoirs ” ou de certaines équipes liées à France 5

[33] Voir l’étude “ la qualité en e-formation ” et le travail du réseau “ Training of trainers network ” déjà cité plus haut.

[34] Question corollaire liée à la généralisation : comment gérer la nécessité de l’égalité pour tous (qui s’impose à tout acteur public) tout en favorisant le développement de pratiques pionnières qui elles sont au contraire par nature inégalitaires.

[35] Commissariat Général au Plan, la France dans l’économie du savoir, pour une dynamique de la connaissance, Paris, novembre 2002, disponible en ligne à http://www.plan.gouv.fr

[36] En France, mi 2002, 36,1% des ménages français sont équipés d’ordinateurs et 17 millions de personnes de plus de 11 ans déclarent s’être connectés au moins une fois à internet dans le dernier mois selon les chiffres INSEE et Médiamétrie, publiée par l’IDATE dans son tableau de bord du commerce électronique, disponible sur http://www.men.minefi.gouv.fr/webmen/informations/tabord/tdb_v6.pdf.

[37] cela est sans doute lié à l’uniformatisation des interfaces et des schémas conceptuels, liée aux “ chapardages ” permanents entre Microsoft, Apple et le monde Linuxien

[38] en octobre 2001, la moitié de la population française de 15 ans et plus avait déjà utilisé un ordinateur, et un tiers l'internet. selon INSEE Première n°850, lisible sur le site http://www.insee.fr

[39] blended s’emploie par exemple pour qualifier des whiskies ou des tabacs mélangeant plusieurs provenances ou crus

[40] pour être complet, on pourrait aussi regretter que l’intelligence des ordinateurs soit trop souvent cantonnée à servir de tourne-page de diaporama ou d’administrateur de QCM, alors qu’il y aurait beaucoup à gagner à l’utiliser pour des fonctions plus pédagogiques (simulateur de processus, interprétation intelligente de questions ou de réponses de l’apprenant,  adaptation permanente à son profil…)

[41] Voir le dossier “ acteurs de la formation et FOAD : compétences et profils ” numéro 180 d’AFP (déjà cité) et “ internet : nouveaux horizons pour la formation, rapport de synthèse 2001 ”, coordonné par V. Hellouin, disponible sur le site du centre inffo http://www.centre-inffo.fr (déjà cité)

[42] Dans son article (publié en décembre 2002 dans le dossier AFP 180 déjà cité), “ enjeux et réflexions autour des compétences ”, F. Gérard précise pourquoi “ la constitution d’un corpus de connaissances partagées sur les compétences nécessaires aux FOAD est récente ”. Elle en donne trois raisons : absence de terrain d’observation ayant dépassé la phase expérimentale avant 2000, pas de lecture transversale dans les rares travaux antérieurs et nécessité de la construction d’une expertise nouvelle.

[43] Disponible sur http://www.algora.org

[44] Une étude Algora sur Rhone-Alpes (disponible sur le site www.algora.org, le travail dans l’enseignement agricole, CFA et NTIC et des axes de travail sur l’enseignement supérieur AFP 180 ibidem

[45] Les récentes directives concernant les marchés publics, les subventions et l’organisation de la commande publique de formation professionnelle donnent d’ores et déjà un premier éclairages sur les conséquences de ces obligations.

[46] Une des transformations essentielles liée à l’émergence de la e-formation et de la société de la connaissance est le changement de statut du savoir. Les savoirs  donnaient sa légitimité (et son salaire) à l’enseignant ; dans le monde de la e-formation et du knowledge management, les savoirs n’appartiennent plus au formateur, ni même les méthodes pédagogiques. Seul lui appartiendra son savoir-faire de médiateur ou de facilitateur. Cela renvoie d’ailleurs au problème de la valeur “ savoir ” qui n’a en fait économiquement de valeur à court terme que dans sa rétention ou dans son exploitation protégée et au paradoxe entre une économie concurrentielle donc fondée sur la “ possession des savoirs ” et une économie de “ partage ” fondée sur la mise en réseau des savoirs (en “ open source ” comme par exemple le regretté Napster, ou les logiciels libre en licence GNL).

[47] La cessation d’activité, fin 2002, de Cégos- e-learning, et la fermeture de son portait de formation tout à distance www.cegos-university.com au  profit du développement par la Cégos via Arcom (entreprise rachetée en 2001) de formations mixtes en témoigne

[48] voir par exemple à ce sujet “ La dimension cachée de la e-formation : une étude en trois épisodes de Philippe-Didier Gauthier ” article écrit en 2001 qui s’interroge sur les “ 80% d’abandon en e-formation longue ”  disponible sur le site de Thot à http://thot.cursus.edu/photo/Image972.pdf

[49] Ce constat pourrait en première approximation ne pas concerner  la formation initiale, dont le besoin social est évident –constitutionnel même. Or pour ce champ aussi une question connexe se pose : comment faire évoluer l’appareil déjà en place pour le moderniser ; vu l’inertie du système éducatif, il parait, là aussi, peu probable d’observer une généralisation sans implication individuelle forte de chaque enseignant, voire de chaque élève

[50] traduction de l’expression anglaise lifelong learning, dont l’emploi s’est généralisé en particulier à la suite de la désignation par l’Union européenne de 1996 comme “ Année de l’éducation et de la formation tout au long de la vie ”.

[51] Voir à ce sujet O. Las Vergnas : “ la formation tout au long de la vie une révolution culturelle qui s’ignore ”, in Apprendre Autrement, actes des Entretiens Villette 2000, disponible sur http://www.cite-sciences.fr/education  .

[52] “ En continuant l’instruction pendant toute la durée de la vie, on empêchera les connaissances acquises dans les écoles de s’effacer promptement de la mémoire ; on entretiendra dans les esprits une activité utile […] on pourra montrer enfin l’art de s’instruire par soi-même ” exposait-il dans le discours à l’assemblée législative en avril 1792.

[53] Voir le programme de travail sur le suivi des objectifs des systèmes d’éducation et de formation paru au JOCE en juin 2002 et disponible à http://europa.eu.int/smartapi/cgi/sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=fr&numdoc=52002XG0614(01)&model=guichett

[54] Voir par exemple le récent rapport du conseil économique et social “ favoriser la réussite scolaire ”, présenté par Claude Azéma (Cfdt) sur le site www.conseil-économique-et-social.fr, 2002

[55]  qui la finance, qui est formé, qui en tire bénéfice direct (par exemple l’employeur), qui fournit des compétences, qui anime la situation pédagogique

[56] Il est frappant de constater que le code actuel du travail définit une “ convention de formation ”  comme un contrat à deux (employeur  - organisme de formation) et non comme un contrat à  trois (également cosigné par le “ formé ”) et qui reconnaît plus une obligation de moyen du type “ nombre d’heures de stage ” qu’une obligation de résultat du type “ maîtrise de telle compétence ”.

[57] voir http://www.cereq.fr/cereq/fc2000/Default.htm#Présentation et par exemple Céreq Bref n°172, Février 2001

[58] encadré sur l’enquête Insee 2000 (op. cit.) paru dans la revue Sciences humaines n° Hors Série 40, 2003

[59] Voir en particulier les travaux de Fabienne Berton (Cnam),  par exemple “ La demande individuelle de formation en cours de vie active et ses particularités institutionnelles françaises” in Les cahier du Lasmas, n°01-1 disponible à http://www.iresco.fr/labos/lasmas/cahiedoc/c011_Berton.pdf  .

[60] in Fabienne Berton, La demande individuelle de formation….  op.cit.  Signalons malgré tout que cet article fait référence à une estimation empirique du nombre annuel de personnes qui suivent de leur propre volonté individuelle une formation à hauteur de 500 000.

[61] D’ailleurs, qui oserait imposer un système de formation, qui, généralisant la réussite post-scolaire, créant des embouteillages sociaux, ne respecterait pas la hiérarchie actuelle ? Hésitations, frilosités ou hypocrisies à ce propos expliquent sans doute la survivance d’un modèle scolaire fondé sur la sélection par le bourrage de crâne

[62] Voir sur ce sujet Claude Dubar et Charles Gadéa (dir.) : La promotion sociale en France, Presses universitaires du Septentrion, coll. Sociologie, 1999 et en particulier dans cet ouvrage, le texte de Gérard Podevin, " Formation promotion sociale et professionnelle : un lien démocratique rompu ". Voir également les travaux du Groupe « Prospective des métiers et qualifications » du commissariat général du plan à partir de l’enquête Formation continue Insee 2000 (op. cit.) sur
http://www.plan.gouv.fr/organisation/sas/PMQ/seance7-atel3.htm

[63] Mélange des temps et des lieux, co-investissement : immédiateté et ubiquité pour plus d’efficacité ! Mais qu’en sera-t-il du droit au repos et à la vie privée ? Déjà certains salariés aux 35 heures répondent quand leurs portables sonnent en vacances et consultent leurs mèls professionnels qu’ils re-routent systématiquement dans leurs ordinateurs personnels… Qui paiera le surcroît de temps passé à faire un re-exercice à la maison ? Et à qui appartient le savoir acquis dans l’entreprise…

[64] Sandra Bellier, Le e-learning, pédagogie, contenus, modalités, acteurs. Editions Liaisons et Gégos, Paris, 2001

[65] Nous renvoyons ici à l’article déjà cité qui porte le titre de ce paragraphe: “ la formation tout au long de la vie une révolution culturelle qui s’ignore ”, O. Las Vergnas  (op. cit.).

[66] Op. cit.

[67] Une étude de la Dares (Dares Premières informations, premières synthèses, n°09-1 2001, citée par F. Berton, op. cit.  indique d’ailleurs que “ c’est dans les entreprises qui forment le moins leurs salariés que l’on trouve aussi le moins de demande de congé et ce sont les salariés des entreprises particulièrement impliquées dans la formation qui en bénéficient le plus [… ce qui peut laisse penser que cela vient d’une]  meilleure connaissance des dispositifs de formation de la part des salariés déjà sensibilisés à la formation. 

[68] Qui surfe sur internet au quotidien en utilisant des moteurs de recherche change de rapport au savoir et à la connaissance. Certes, il y a ceux qui se découragent… mais à ceux qui persévèrent - souvent parce qu’ils ont un besoin pressant d’accéder à une information pour une utilisation qui leur est importante- Internet permet de multiples expérimentations sur la nature des connaissances, amène à de multiples interrogations sur l’organisation des savoirs ou sur la légitimés de tel ou tel auteur, éditeur.

[69] En référence au concept macroscopique de l'“ entreprise apprenante ” qui a déjà, tout comme le knowledge-management reposé la question de la séparation entre “ situation de travail ” et “ situation de formation ” et entre “ formation ”, “ tutorat ” et “ encadrement ”. En fait, dans de nombreuses situations professionnelles, travail et formation tendent à se confondre désormais, tandis que s’émiette l’unité de temps et de lieu de l’entreprise. D’autant que la généralisation des moteurs de recherche “ intelligents ” et autres portails, intranets ou extranets, estompe la différence entre s’informer et se former et qu’ainsi toutes les spécificités qui institutionnalisaient le concept même de formation professionnelle deviennent floues.

[70] Comme des portails, des hébergeurs de pages perso pédagogiques, des moteurs de recherche intelligent 

[71] Au sens des licences libres des logiciels “ open source ” c’est à dire créés collectivement et diffusables largement sans coût pour les usagers individuels.

[72] Pour une présentation détaillée et un mode d’emploi de la Cité des métiers, voir www.cite-sciences.fr/citedesmetiers

[73] 40 écrans et 4000 ouvrages.

[74] Depuis son ouverture, cette plate-forme a reçu une moyenne quotidienne de plus de 1000 usagers.

[75] Dont un tiers de parisiens intra-muros et un autre tiers d’habitants de Seine Saint Denis

[76] Cette logique d’ouverture à des publics variés conduit la CSI à proposer sur ce modèle une cité de la santé, pour faire converger appareils d’éducation à la santé et de prévention, système d’accès aux soins, gestion des assurances maladies et lieux culturels.

[77] Association pour la formation professionnelle des adultes.

[78] Agence nationale pour l’emploi.

[79] Centre d’études supérieures industrielles.

[80] Comité d’information et de mobilisation pour l’emploi.

[81] Centre d’information et d’orientation.

[82] Carrefour local pour l’insertion professionnelle

[83] Conservatoire national des arts et métiers

[84] Centre national d’enseignement à distance.

[85] Délégation académique à la formation continue.

[86] Dispositif académique de validation des acquis

[87] Centre interinstitutionnel de bilan de compétences.

[88] Agences locales pour l’emploi.

[89] Cf. Drevet D. et Monod A. (coord.), “ Usager acteur… la Cité des métiers ”, in Actualité de la formation permanente, n° 158, janvier-février 1999.

[90] Ainsi, sur ce modèle, ont ouvert les “ cité des métiers ” de Belfort, Nîmes, Côtes d’Armor, ainsi que celles, en Italie, de Milan, de Gênes et de Cagliari, en Catalogne celle de Barcelone et au Brésil celle de Bello Horizonte. Prochainement s’inaugureront les sites de Taranto (Italie), Marseille, Pointe-à-pitre (Guadeloupe) et Innsbruck (Tyrol).