Des Cités des métiers et de la santé à l'empowerment

Intervention d'Olivier Las Vergnas, aux 75 ans de l'INETOP
parue dans le N° spécial de la revue "l'orientation scolaire et professionnelle", Paris, nov 2005,

Monsieur LAS VERGNAS est directeur de La Cité des Métiers de La Villette depuis  son ouverture.
Il en a piloté la création en 1993 ainsi d'ailleurs que celle de La Cité de la  Santé. Il est aussi à l'origine du réseau des Cités des Métiers".

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Juste quelques mots pour vous dire plus précisément d'où je parle et ce que sont les Cités des Métiers et la Cité de la Santé ; ensuite j'essaierai de dégager ce que je perçois comme enseignements essentiels de ces pratiques sur les dix dernières années. Dix ans de direction et de mise en place de structures dont la vocation est d'aider l'individu à trouver des réponses aux questions qu'il se pose, et peut-être même, à pouvoir mieux exprimer les préoccupations qu'il ressent ou auxquelles il est confronté.

Première partie : d'où je parle.

Deuxième partie : ce qu'apporte l'expérience des Cités des Métiers, dans ses murs à La Cité des Sciences d'une part, et plus généralement dans l'ensemble du réseau des Cités Des Métiers, puisqu'il y en a maintenant neuf autres ouvertes ;

Dernière partie : quel éclairage apporte le fait d'avoir tenté depuis deux ans l'expérience d'ouvrir sur le même type de logique une Cité de la Santé.

 

D'abord, qu'est-ce que c'est que La Cité des Métiers et quelle a été son idée fondatrice ?

Sa genèse est, somme toute, plutôt logique. A l'origine, la Cité des sciences, un établissement public français qui a pour vocation de " rendre accessible à tous les avancées des sciences, des techniques et du savoir faire industriel ". D'une telle définition de mission, découle un devoir d'information sur l'évolution des professions, des métiers, de la vie professionnelle. Lier culture, enseignement, formation, formation tout au long de la vie et orientation professionnelle, voilà qui n'a rien d'étonnant, surtout dans une enceinte, comme celle-ci, marquée par la mémoire de l'abbé Grégoire et de bien d'autres tenants de l'éducation permanente. Ce lien est d'ailleurs double : d'une part, les acteurs de la " culture scientifique et technique " affichant la volonté de réduire les inégalités sociales susceptibles de résulter de la non maîtrise des avancées scientifiques et techniques, les champs de la vie professionnelle, de l'évolution des métiers et de l'orientation les concernent au premier chef ; regardée sous cet angle, culture technique est de fait  indissociable de culture professionnelle. D'autre part, lier action culturelle scientifique et technique  et  service pragmatique d'aide à l'orientation et à l'insertion à tout âge semble un moyen d’élargir grandement les publics susceptibles de se considérer comme concernés. Un musée des sciences "classique " ne proposant que des formes traditionnelles d'expositions  court en effet un fort risque de n'être fréquenté que par des scolaires " captifs " et des adultes déjà passionnés  par les expositions culturelles high tech. A contrario, en se proposant de se mettre concrètement au service de chacun en facilitant insertion et évolution professionnelle, le lieu culturel s'ouvre à d'autres publics et ce risque est moindre, de ne pas réduire les inégalités sociales, mais plutôt de les amplifier.

Ainsi, au départ, un établissement culturel se sent le devoir de s'intéresser à l'insertion, l'orientation, l'évolution professionnelle ; évidemment, il doit le faire avec ceux qui ont compétence dans ce domaine-là, et donc la première aventure de La Cité des Métiers a été de chercher à se marier  avec les organismes concernés. D'ailleurs, tous les organismes,  sans exception, qui participent aujourd'hui avec moi à cette table ronde, sont des organismes  avec lesquels nous travaillons au quotidien depuis dix ans, à accueillir mille personnes par jour dans les murs de notre Cité des Métiers, porte de la Villette.

Mais il ne suffit pas de réunir des partenaires, il faut surtout construire des services aux publics. Là encore, notre idée était très simple : essayer d'identifier les préoccupations des publics, en ayant en tête de créer un lieu complètement ouvert qui justement partira de ces interrogations et collera au mieux aux formulations des futurs utilisateurs. On voulait se placer dans une logique où ça allait être l'individu qui allait venir chercher de l'information, venir parler de ses préoccupations,  donc dans un modèle où chacun serait considéré comme autonome ou potentiellement autonome, comme capable de formuler ou d'exprimer ses préoccupations et de chercher des réponses, des outils de l'écoute quelque chose.  Notre idée était donc de proposer des intitulés de services faisant " miroir " des questions et inquiétudes de chacun.

On voulait se tenir à sa disposition, dans son propre temps à lui,  et dans un processus dont lui-même maîtriserait les différentes étapes. Une Cité des Métiers serait donc un cadre différent de celui de l'orientation en milieu scolaire ou d'une classique agence locale pour l'emploi. Pour ce qui est des publics considérés comme très peu autonomes, pour qui les institutions, les barrières culturelles ou linguistiques empêchent de savoir ce qu'ils cherchent, il faudrait certainement créer des dispositifs spécifiques pour leur ouvrir des portes supplémentaires, ce que nous l’avons effectivement installé, avec en particulier des sessions accompagnées, intitulées « Clef d’accès ». Quoi qu’il en soit, également pour eux, le cœur de concept d'une Cité des Métiers devait être de les aider à être réellement aux commandes de leurs recherches.

Il faut aussi noter que l'on n'a pas créé la Cité des Métiers ex nihilo, mais qu'elle a bénéficiée de l'expérience d'un petit espace qui s'appelait Le Passage des Métiers, mis en place depuis 1987 avec l'ANPE et le CIO inter jeunes. C'est en repartant de cette expérience là on a essayé de faire un lieu qui était le miroir des préoccupations et qui pouvait permettre d'y répondre.

Donc à l'origine (1993) quatre, puis bientôt cinq pôles (depuis 1996) partant des préoccupations des publics, ont été mis en place avec les organismes compétents :

1. " choisir son orientation ", qui fonctionne sur une alliance qui ne se dément pas avec le CIO  Média-com dont  Danièle Pourtier, la directrice est avec nous dans cette salle,

2. " trouver un emploi ", s’appuyant évidemment sur une alliance avec l'ANPE,

3. " trouver une formation " qui a en charge la question de la formation professionnelle et qui fonctionne grâce à un regroupement de plusieurs partenaires. Historiquement, pour cette entrée, nous avions cherché un organisme unique qui aurait vocation d'informer le public final sur tous les aspects de la formation  professionnelle continue et faute de l’avoir trouvé , nous avons fabriqué un consortium informel associant l'AFPA , les délégations académiques à la formation continue, le CNED, le CNAM lui-même bien entendu, et d’autres organismes comme l’ANPE et le CLIP (Carrefour local pour l’insertion professionnelle) ,

4. quatrième aventure, le pôle " changer sa vie professionnelle, évoluer, valider ses acquis ", aventure commencée avec le CIBC de Créteil auquel se sont ajoutés l'ANPE, le CESI qui est un organisme paritaire de formation et de bilan de compétences et qui vient d'être renforcée par le DAVA de Paris.

5. enfin, le cinquième pôle, ouvert en 1996,  qui s'appelle " créer son activité " ; En 93, cette dimension existait, mais on la considérait comme un des volets de " trouver un emploi ". Trois ans plus tard, on l'a émancipé, individualisé, il est devenu pôle à part entière, animé par l'ANPE, la Boutique de gestion de Paris et le CIME,  organisme associatif spécialisé dans la création d'emplois.

Avec toutes ces fonctions, la Cité des Métiers pourrait être qualifiée de « guichet unique », mais dans la mise en œuvre et dans la perception de nos publics elle se révèle bien différente : en fait, c'est bien un lieu unique de six cents mètres carrés visant à écouter et à répondre à toutes les préoccupations, mais pour ce faire, on a installé à l'intérieur non pas un guichet, mais cinq pôles séparés, pour nous tenir au plus proche de ces préoccupations. Et aujourd'hui, à la Cité des métiers, s'exercent bien - cinq métiers bien complémentaires : " Choisir son orientation ",  " Trouver un emploi ", " Trouver une formation en formation continue ", " Changer sa vie professionnelle, évoluer, valider ses acquis " et " Créer son activité ". Quant à la désignation de « guichet », nous lui préférons celle de « pôle », plus adaptée à un système comme celui de la Cité des Métiers,  offrant l’usage d’un ensemble de ressources interconnectées, sans hygiaphone, ni contrôle social, ni file d'attente instituée.

La Cité des Métiers est un système vivant, en symbiose avec son environnement et les différents réseaux d’insertion, d’orientation et d’évolution professionnelle dont elle constitue une part. Rien n’y est figé de manière pluriannuelle, sauf la charte qui fixe qu’elle est ouverte et pensée pour tous, multisectorielle, anonyme, multimodale et multimédia et bien sûr centrée sur les besoin de ses usagers : elle est en fait entièrement dépendante de son public et des douze partenaires qui la constituent. Elle est donc par construction très adaptable et au bout de 10 ans, de multiples adaptations ou améliorations ont eu lieu. En revanche, le découpage en pôles est resté très stable : comme cela a été déjà signalé, nous avons vécu deux modifications seulement : l’individualisation de la fonction " créer son activité ", et l’élargissement en deux étapes du pôle consacré à l’évolution : " changer sa vie professionnelle, évoluer, valider ses acquis " , seconde modification, il faut le préciser, conduite en résistant à une injonction forte des pouvoirs publics de créer un pôle séparé  " valider ses acquis " comme s’il s’agissait d’une demande en soi alors que nous considérons que c'est un des moyens d'un ensemble au service de l'évolution professionnelle. On peut d’ailleurs faire l’hypothèse que ce qui motivait ce souhait pressant n’était pas exempt d’enjeux institutionnels.

Dans les autres Cités des Métiers ouvertes, (quatre autres en France, trois autres en Italie, une au Brésil, une en Catalogne et une au Tyrol qui débute depuis un mois) on retrouve bien les mêmes types de pôles, mais pas exactement les mêmes intitulés, ce qui peut être vu comme révélateur de différences de découpages ou de réalités sociales, voire de cadres ou de choix institutionnels, ainsi aller vers l'emploi, ou chercher un emploi peuvent se substituer à trouver un emploi , découvrir les métiers  à choisir son orientation. Bien sûr les disparités nationales ou territoriales ont aussi créé des différences de positionnement : ainsi, les cités des métiers françaises ne produisent pas leur propres contenus, contrairement à la plupart des autres (Italie, Barcelone, Brésil) : en France, les documentalistes ont plutôt à faire face à une pléthore de sources alors qu’ailleurs il s’agit plutôt d’en créer. Mais, globalement, on peut dire aujourd’hui que notre système de labellisation a bien fonctionné et Les Cités des Métiers on bien respecté un concept qui, au-delà du guichet unique, consiste à mutualiser, hybrider dans un même lieu ouvert des fonctions complémentaires qui s'exercent avec des métiers différents.

Et ce qui est sûr, c’est que ces différences professionnelles survivent vivacement pour le plus grand bien des utilisateurs. D’ailleurs quand on regarde le quotidien d’une Cité des Métiers, quand on interroge les conseillers du pôle choisir son orientation qui sont des COP, ils disent que l'important c'est que les gens repartent avec des questions, quand on interroge nos collègues du pôle trouver un emploi ils disent évidemment l'important c'est que les gens repartent avec une réponse. J’ai d’ailleurs l'impression que si je demandais à nos amis de changer sa vie professionnelle, -surtout depuis la VAE-  ils nous répondraient que l'important c'est qu'ils partent à la fois avec des questions et des réponses…

Cela dit, le fait que les cinq pôles n'aient pas fusionné n'est pas seulement une leçon sur la spécificité des professions de conseil, mais résulte aussi de la divergence des angles de regard et de mise en mouvement dont la société à besoin sur la vie professionnelle : adopter naïvement une volonté de regarder de manière unique la question de l’information conseil sur un tel sujet ne suffirait pas pour permettre toutes les résolutions socialement nécessaires. A la cité des métiers, on a essayé de la classer la documentation disponible sur les métiers simplement par secteur, en suivant un découpage unique, univoque. Or, les éditeurs, le CIDJ, l'ONISEP, le ROME , les conventions collectives, les éditions privées, l'Etudiant ... respectent chacun des logiques propres ; force est de constater qu’elles divergent souvent : le découpage des bases d’offres d’emploi, des atlas de la formation initiale, des diplômes, des accords sociaux sont loin de se correspondre et un index croisé entre Onisep, Rome, Actuel Cidj et Conventions collectives n’est pas pour demain en raison de la non équivalence des thésaurus de ces quatre principales "encyclopédies des métiers" françaises. Présenter l'organisation des professions selon le système éducatif, n’est pas équivalent à les présenter selon le résultat des négociations sociales pour les conventions collectives et il y a une troisième logique qui est de présenter selon les volontés, tout à fait respectables d'ailleurs, de lobbies corporatistes pour faire exister telle ou telle réalité professionnelle.

La situation de l'individu fait qu’il a -à un moment donné- besoin de tel ou tel angle de réponse ; les pôles d’une Cité des Métiers respectent la segmentation des métiers de conseil en place publique, métiers qui sont fragmentés, mais aussi la variété sociale non réductible à un seul angle de regard sur la vie professionnelle.

 

Je voudrais vous parler maintenant de la perspective qu'apporte La Cité de la Santé .

Avant tout, il faut avoir en tête que la logique de La Cité de la Santé est la même que celle de la Cité des Métiers. Assumer notre mission de Cité des sciences, établissement culturel qui a pour raison d'être de rendre accessible à tous les sciences, les techniques et les avancées industrielles, ça veut dire aussi aider les gens à mieux comprendre leurs questions de santé, leurs préoccupations et les aider à les reformuler, se faire traduire ce qu'ils ont entendu chez le médecin ou comprendre l'examen que va subir leur conjoint, parler, poser des questions pour un meilleur entretien de son corps… Bien sûr, cela suggère, le même modèle que la Cité des Métiers : trouver des partenaires et essayer d’en faire une plate forme Santé ouverte à tous, deuxième étape dans la médiation de services concrets, avant pourquoi pas de se lancer dans la réponse à toute une série d’autres préoccupations, liés de près ou de loin au champ scientifique et technique, comme la consommation technologique ou le bricolage. D’où l’idée d’une Cité de la Santé, idée d’autant plus logique que la Cité des Sciences avait développé dès son ouverture en 1986 un secteur « médecine santé » offrant 20 000 documents consultés aussi bien par des professionnels que des profanes.

Cette Cité de la Santé,  nous l’expérimentons avec ma collègue Tù-Tam Ngûyen de la médiathèque depuis fin 2001 en étroit partenariat avec 15 organisations (Conseil de l’ordre, CRIPS, DGS, Etablissements publics de santé, INPES, Amicales de médecins retraités et de nombreuses associations de patients, comme AIDES, la Ligue contre le Cancer, Vie Libre, la FNAIR, la FNAP-Psy). Elle accueille des utilisateurs six jours sur sept : quatre pôles prévus dont deux qui marchent vraiment, un qui vivote et un qui devrait naître bientôt :S'informer sur un problème de santé, Vivre avec une maladie ou un handicap, accompagner un proche, Entretenir sa santé, prévenir, S'informer sur ses droits.

Et alors là pour moi ça a été une découverte, renouvelée au quotidien, de constater à quel point le fait de piloter cette cité de la santé me fait prendre du recul par rapport à la réalité des métiers à la cité des métiers.

Ainsi, A La Cité de la Santé, les professionnels disent « ça va pas, on ne peut pas être appeler conseiller en santé, on voudrait des badges indiquant « orientateur », ou à défaut « conseiller en orientation » parce que la notion de conseil n'est pas assez claire, le conseil en santé pose un problème de déontologie insurmontable, nous ne conseillons pas en matière de santé, nous «  orientons ». Le plus frappant, c’est que -dans les Cités des Métiers - si on mettait « orientateur » ou conseiller en « orientation » de manière indifférenciée sur tous les pôles il y aurait une émeute. Le mot qui marche pour désigner les professionnels de manière générique à la cité des métiers c'est « conseiller », alors que ce mot presque tabou à la cité de la santé.

Autre illustration de l’intérêt du parallélisme Métiers / Santé : sur « entretenir sa santé, prévenir » on retrouve une volonté et une dualité très similaire à celle de « choisir son orientation/découvrir les métiers » au lieu de nous aider à répondre aux questions de nos utilisateurs, de multiples institutions nous viennent voir à la cité des métiers en nous demandant de les aider à faire la promotion des métiers de tel ou tel secteur (travaux publics, paramédical, filières scientifiques…) ; en parallèle, le monde de la santé est dominé par une logique qui est très comparable à cette logique info métiers, on oublie l'éducation des choix et on fait de la campagne de prévention descendante, ce matin c'est la mammographie, demain c'est la journée mondiale de l'herpès  et la journée mondiale du SIDA lundi. On ne trouve quasiment pas de partenaires à but non lucratif pour répondre aux demandes du public au rythme où elles vont et viennent. Ils veulent tous, et l’INPES en tête, agir par campagnes d’information thématique ; logique prophylactique oblige, semble-t-il.

Rien de très nouveau, la prévention semble bien être un système, -si je dis d'infantilisation, je vais me faire des ennemis-, qui oublie facilement la question de l'éducation des choix au profit du bourrage de crânes. Pourtant évidemment la question de l'éducation thérapeutique est une question essentielle en terme d'information santé, mais surtout quand on est déjà malade (et devenu « patient ») mais la question de la professionnalisation des métiers de l'éducation santé n'est pas clairement posée aujourd'hui, même si elle l'a été un peu par effet secondaire de l’arrivée d’emplois jeunes, éducateurs ou médiateurs de santé ; dans la récente période de canicule on est retombé dans d'autres urgences « faites les boire, faites les boire » (même si le risque du déficit en sels minéraux est oublié !).

Troisième illustration de cette fonction d’analyseur, celle-là liée aux différences de contexte sémantique de la « prescription ». A la Cité de la Santé , en garde-fou, est écrit partout qu'on n’y fait ni consultation, ni prescription . Voilà qui est destiné à être clair : pas question d’être un lieu de prise de décision. Par contraste, je me demande si on ne ferait pas quand même un peu de prescription à La Cité des Métiers? et si on ne serait pas un peu dans le cas où on décide à la place des gens. Réciproquement, la santé radicalise le problème de ce que l’on a le droit de dire : Va-t-on dire brutalement « le pronostic est vital ou mortel dans 6 mois dans 80% des cas ». En fait, on accorde la précision de ce qu'on dit à ce qu'on sent dans la question comme demande de précision. Déontologie à méditer en relation avec les perspectives adéquationistes en matière d’orientation professionnelle.

J'ai appris un mot essentiel en pilotant -avec les associations de santé engagées sur ces questions de droits des citoyens-, la mise en place de La Cité de la Santé : le mot empowerment, un anglicisme , un anglo-saxonisme même. Il n’a pas vraiment d’équivalent en français et désigne le contraire de l'infantilisation, l’en-pouvoir-ment ou l'émancipation si vous voulez. Il y a ici dans la salle des amis québécois je pense qu'ils connaissent le mot et son sens de contribuer au transfert de l'appropriation du pouvoir par l'individu lui même. La Cité de la Santé remet donc cette question de l’éducation des choix dans une perspective plus large que celle de l'orientation et de la vie professionnelle : entre prescription à un patient ou émancipation d’un concitoyen.

En bref, la Cité de la Santé se situe sur un champ social différent de la cité des métiers, avec des marges de manoeuvres différentes. Elle radicalise les problèmes et les interrogations générées par la cité des métiers. Quatre différences :

 

Finalement , en profitant de cet éclairage

apporté par le rapprochement entre "éducation des choix", la fonction de "tenir conseil" et "l'empowerment" mis en exergue par certains acteurs de la santé, revenons à la question posée : « dans quel champ professionnel plus large s'inscrivent les métiers de l'orientation ? ». Pour ma part, je vois trois cadres de rattachement :

- d'abord il y a le plus évident, déjà cité, qui est celui de la psychologie scolaire dans son ensemble.

- on peut aussi les positionner dans un autre qui serait celui des métiers de l'insertion et du maintien dans l'emploi, ce qui correspond à les charger d’une logique plus socialement adéquationiste,

- et ma troisième hypothèse, c'est dire que les métiers de l'orientation font partie d'un ensemble de métiers dont nous avons besoin pour que nos sociétés soient vraiment démocratiques. Cet ensemble, c’est celui des métiers de l’empowerment, qui ont pour but de rendre à l’individu la disponibilité de lui-même et de son avenir.

Bien sûr, cela sous entend de s’émanciper de la logique de prise en charge ou de contrôle de l'insertion et de l'orientation professionnelle. Avec quels appuis ? Les syndicats traditionnels peuvent-ils jouer le rôle de boucles de feed-back et des représentants des usagers de l'orientation tout au long de la vie ?

En France, le fait que le très récent accord professionnel sur le co-investissement de l'individu, instituant un « droit individuel à la formation » ait été signé à l’unanimité par tous les partenaires sociaux est significatif. Il va sans doute mettre plus que le faisait la précédente loi de 1971, le bénéficiaire, l’usager, le citoyen au centre et donc théoriquement en maîtrise du processus de décision, tout comme la toute récente loi sur le dossier médical fait sortir le « patient » de sa traditionnelle position d’attente. Il faut dire que l’on partait de loin. Dans la loi « formation professionnelle » de 1971, l’individu ne signait même par son propre contrat de formation : on était loin du co-investissement et de la co-responsabilité… Voilà donc peut-être un terreau favorable pour effectivement positionner les métiers de l'orientation comme s’inscrivant en sous ensemble des métiers de l'empowerment. Et comme en témoigne la mise en place de ces cités de services centrées sur les préoccupations des citoyens, pourquoi ne pas aller -plus globalement- de l’empowerment vers des stratégies culturelles nouvelles, celles des médiations ascendantes, par opposition (ou symétrie) au schéma dominant des injonctions, prescriptions et vulgarisations descendantes qui dominent encore beaucoup nos schémas éducatifs et culturels ?